vendredi 8 décembre 2017

Ainsi...

Ainsi, puisqu’un personnage qui eût pu, jadis, passer pour un intrigant de salons littéraires, disparaît de la surface de la terre, les gâchettes de la dithyrambe se dévoient encore une fois à l’antenne. Une journaliste, entendue à France Culture, a déclaré que si les Français aimaient Jean d’Ormesson, c’était en quelque sorte pour se racheter d’avoir coupé la tête de quelques aristocrates lors de la Grande Révolution. La manie fâcheuse de tout pardonner aux morts, y compris la médiocrité dont ils on fait preuve dans leur existence anthume, ne va pas jusqu’à ses thuriféraires. La spontanéité, feinte ou non, de la citation expose de toute façon ce qui est en jeu : la rédemption. C’est le maître mot de cette France réactionnaire : les « citoyens français », les « Français », bref cette abstraction chère à une certaine canaille politique, doit expier les péchés de ses pères que sont la Grande Révolution, la Commune, Mai 68… Que l’on aille pas croire que cette réaction soit forcément « de droite », le péché de la Colonisation en arrange beaucoup également, à d’autres bords. Ainsi, dans notre « volonté de nous racheter », nous nous serions attachés aux vérités prudhommesques érigés en profondeurs philosophiques de la part d’un histrion médiatique. Cette littérature émétique, produite à la chaîne, démontre à l’envi la veulerie d’une production éditoriale et le renoncement d’une certaine forme de librairie qui, pour pouvoir bouffer, dispose en pile cette daube littéraire à chaque fin d’année. L’alerte fut chaude mais courte, la médiocrité en chassant une autre, et parce qu’un mort encore tiède vaut toujours mieux qu’un cadavre qui se refroidit, voici que d’Ormesson s’efface déjà. Le vocabulaire change, les acteurs sont les mêmes : les « Français », sont remplacés par le « Peuple », défait, en pleurs et en butte à la compassion de la même racaille politique autour de la mort d’un chanteur. Nous avons eu chaud, la messe solennelle va être remplacée par l’évocation de funérailles nationales… Le pleur des chaumières, à tout prendre, vaut bien une expiation.

4 commentaires:

  1. Jules13:33

    Encore merci pour la justesse du propos, ça fait du bien.
    Au fait, que devient ce cher Giscard d'Estaing ?

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  2. Réponses
    1. George, vous êtes notre marquis de Bièvre...

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    2. Je ne fréquente pourtant guère cette rue tout juste bonne aux mites errant.

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