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jeudi 31 août 2023

Quant le Tenancier s'emmerde, il se livre à de drôles de choses...

Il y a quelques mois, par ennui, j’atterrissais par hasard sur le site d’un « éditeur », comme il s’en est multiplié depuis l’arrivée d’internet. Un simple parcours permet de se rendre compte de la qualité des prestations. Ainsi, la vantardise est controuvée par l’imprudence des exemples.
« Des services personnalisés pour des livres de qualités : relecture, corrections orthographiques et typographiques, mise en page, insertions de visuels, infographie, conseil littéraire, reécriture… »
Déjà, oublier un accent dans « réécriture », ça la fout mal pour un « éditeur »... La cerise sur le gâteau, c’est lorsqu’après trois minutes de butinage sur le site en regardant ce qui est publié, on tombe sur cette phrase dans un roman :
« Le soufflet est vite retombé quand on m’a annoncé que j’allais jouer au poste de milieu de terrain alors que j’étais un attaquant, avide des courses dans le dos des défenseurs et des buts astucieux… »
Un soufflet, vraiment ? Quant au « milieu de terrain », en basket, puisqu'il en était question dans ce texte, je signale au réviseur de cette prestigieuse maison (et à l’auteur aussi, tiens…) que la notion n’existe pas (poste 1, 2, 3, 4 ou 5, ou ailier, ou meneur, ou pivot, etc., oui ça, ça existe...) Et que l’on y fait des paniers et non des « buts »… Oui, certes, il faut connaître un peu ce sport, ou bien encore se renseigner à ce sujet. Je ne blâme pas l’auteur, qui fait ce qu’il peut et qui a cru que ça passerait crème, mais ce n’est pas la peine de la part de « l’éditeur » de venir rouler des mécaniques, si c’est pour laisser trois conneries dans une seule phrase et dans des pages qui semblent la conversion en PDF d’un bête traitement de texte.
Par pudeur, on taira le nom de l’officine qui fleure bon le compte d’auteur…

lundi 14 août 2023

Remarque en passant au sujet des bouquinistes des quais de Paris

On s’étonne peu ici de l’engouement subit à l’égard des bouquinistes de quai de Seine, sous la menace d’une décision imbécile, au prétexte de jeux dispendieux et nationalistes. Tout reste affaire d’exotisme et de pittoresque, et que cela. Ces mêmes Parisiens délibérés ne se manifestent pas tant lorsque la gentrification fait rage dans la ville, virant les vioques, les précaires et les bouquinistes aussi, ceux en boutique. Je ne possède plus une des petites brochures qui recensaient les libraires d’occasion en France publiée encore dans les années 1990. Il en resterait un itinéraire fantôme qui procède de la même nostalgie qui nous fait découvrir un Picard surgelés à la place d’un cinoche. Au fond, tout le monde s’en tape (ou peu s’en faut, c’est-à-dire encore quelques paumés amateurs de livres), mais se paye une conscience à bon marché, et c’est tellement « couleur locale », n’est-ce pas ?

mercredi 20 mai 2020

L'art de couper les livres selon Auguste de Villiers de L'Isle Adam


Sous les galeries de l’Odéon, toutes voisines, les courants d’air ne font pas peur aux amateurs de lecture, dont quelques uns passent des heures entières, debout, à lire ou à deviner ce qu’ils ne peuvent pas lire. On pense au livre dont rêvait Mallarmé, qui eut présenté plusieurs sens différents, suivant qu’on le lirait sans couper les pages, ou après les avoir coupées ; Lucien Descaves se rappelait avoir vu, « sous l’Odéon », Villiers de L’Isle Adam, absorbé dans sa lecture, et qui coupait les pages non pas avec une liseuse, ni un couteau, ni même avec ses doigts, mais avec le bout de son parapluie ; après quoi il reposait les restes déchiquetés du livre sur la pile. Les vendeurs ne disaient rien, affectaient de ne pas voir le massacre. Que ne pardonnait-on à l’auteur, désargenté, de L’Ève future ?

Robert Burnand : Paris 1900 (1951)

dimanche 24 novembre 2019

Une réponse

À vrai dire, je m’attendais à des réactions plus nombreuses et plus véhémentes au billet produit dernièrement qui causait de la destruction de livres politicards et que vous pouvez retrouver ici. La faute m’en incombe, car ce blogue part un peu en déshérence et incite peu à son suivi du fait de son caractère erratique. J’ai éprouvé un double plaisir à lire l’unique réaction (pour le moment) de Mikaël que nous n’avions pas lu dans les parages depuis fort longtemps et également dans la teneur de son message qui reflète l’idée que je me fais de lui. Pour les lecteurs pressés, voici son message ci-dessous :
« Cher Tenancier,
Un livre, me semble-t-il, est un livre. Il y a plutôt de bons ou de mauvais livres ; ou plus justement encore de bons ou de mauvais lecteurs. Ne pas lire un livre est le meilleur moyen d’accompagner son auteur vers l’oubli. Détériorer publiquement un livre, c’est au contraire donner à son auteur l’importance que l’acte voudrait nier. Je n’ai rien contre l’idée de renverser ma tasse de café matinale sur un livre, à condition que ce livre me déplaise ou m’ennuie profondément. Mais cela suppose que je l’aurai lu, intégralement ou partiellement, en dépit de la personnalité de son auteur, et que je m’en serai fait une opinion, en dépit toujours de la personnalité de son auteur. L’idée ne me viendrait pas de gâcher du café sur le seul nom d’un homme. On publie trop de livres — qui sont tous des livres — mais c’est parce qu’il y a trop de mauvais lecteurs. »
En somme, Mikaël approuve la nature de livre à cette production, parce que c’est sous cette appellation qu’elle a été maltraitée. Je reprends ma question : a-t-on affaire à un livre, vraiment ? Ce genre d’ineptie, forcément éphémère ne devrait-elle pas être lié à un autre mode de reproduction, éphémère lui aussi : le périodique, que ce soit sous forme de magazine, de quotidien. Pourquoi produire une profession de foi sous forme de livre ? Notre mémoire se révèle souvent courte et je ne saurais affirmer avec certitude que ce genre de pratique existait avant-guerre. En tout cas, personne n’a l’air d’en avoir gardé la trace. Si cela a existé, on aimerait bien le savoir, certaines perspectives en seraient peut-être changées. Quoique…
Ce genre d’ouvrage, écrit par des nègres qui n’y croient pas un seul instant, commandité par un politicard qui n’y croit pas plus, fait partie de la panoplie habituelle de la propagande contemporaine. Ce secteur, même s’il subit les mêmes avatars que l’édition (réduction des tirages, etc.), se porte fort bien et quelques éditeurs sont friands de ce genre d’opération. Ils recourent souvent à des équipes de marketing. Tout cela pour une durée de vie en librairie qui se compte en semaines, parfois beaucoup moins. J’avais raconté en son temps ma visite dans un entrepôt de livres, de la surface d’un millier de mètres carrés et d’une épaisseur d’un mètre à peu près. Ces ouvrages provenaient de récupérations après décès, les livres dataient tous à peu près des années 1970 à 1980. Savez-vous, mon cher Mikaël le titre que je croisais le plus souvent ? C’était Le mal français de Peyrefitte. Ce fut, curieusement, le seul livre de ce genre que je voyais surnager au milieu d’autres insignifiances. Mais où se trouvaient donc les livres de Valéry Giscard d’Estaing, de François Mitterrand et de toute la cohorte des courtisans, porte-cotons et porte-flingues ? Même au milieu de ce fatras sans intérêt (après quelques heures, je ressortais de ce stock avec à peine deux caisses de livres relativement courants), ils restaient introuvables. La raison s’en révélait fort simple : ils étaient balancés à la poubelle dès la lecture accomplie, au lieu de traîner dans la bibliothèque et, ipso facto, dans l’Himalaya de merdouilles de cet entrepôt. Lorsque l’on sait le contenu de ces ouvrages politicard, nous nous accordons tous sur le fait qu’ils pourraient ne pas faire autant de signes, se retrouver condensés de manière à ce qu’ils soient publiés dans un quelconque organe de presse, parce que ce mode de production reste approprié pour ce genre de communication. Il existe à l’heure actuelle une autre alternative : la liseuse. Mais pourquoi donc, ces chers politicards, toujours modernes, si férocement modernes, n’emploient-ils pas ce moyen ? Ce serait alors penser que le contenu de ce qu’ils racontent possède une réelle importance ! Croyez-vous sérieusement que c’est le cas, qu’il soit nécessaire de lire le contenu de ces trucs-là pour se faire une opinion ? En fait, la liseuse interdit la pratique courante de la signature en librairie, ou dans un autre lieu. Quel intérêt de signer avec un stylet sur un écran numérique (allez-y, petits malins piquez l’idée, je m’en fous !) ? Le livre édité sert principalement à exhiber l’auteur, à lui procurer un prétexte de paraître dépouillé de ses attributs, afin qu’il soit rédimé après une mauvaise passe. La signature prend alors la valeur d’une incarnation. Mieux que « Vu à la télé », nous obtenons « Paraphera son livre chez Tartempion », à la bonne franquette, plus efficace à l’heure actuelle que le toucher des écrouelles. Mikaël, est-ce que le livre sert à ça ? Est-ce la véritable nature d’un livre ? Ces productions procèdent d’un certain mimétisme : couverture, pages, lieu de vente. Vous pensez croiser une fourmi innocente, mais non, l’Évolution vous a mis devant une fourmi-araignée, ce n’est pas le même animal, malgré des attributs similaires et grâce à des détails bien cachés. Vous croyez tenir un livre, parce que vous pensez qu’il vous apportera joie, tristesse ou culture, parce que vous admettez sa sincérité. Mais qu’y a-t-il dans ces « livres » ? Peu importe qu’ils soient interchangeables, ce ne sont que des prétextes et des machines à cash. Souffrez que je m’indiffère face à cet épisode de « destruction » du bouquin de Hollande et surtout des réactions de ceux qui ont pris cela pour un sacrilège. Je crois, au bout du compte, que nous avons la même opinion, au fond, mais que vous avez encore la naïveté de croire que ces productions ont une raison d’être (« s’en faire une opinion » !), hors la propagande.
Votre mot arrive précisément où j’achève de relire Les mémoires d’un traducteur, de Maurice-Edgar Coindreau (1974). Le rapport ne paraîtrait pas si évident si nous ne partagions pas, en de nombreux points, une certaine mystique du livre (votre bibliophilie fait partie des nombreux charmes de votre personnalité). Je n’ai pas pu m’empêcher de rapprocher ce passage à nos propres croyances pour le livre et à ce que vous avez écrit :
« Elle (Flannery O’Connor) n’avait même jamais entendu prêcher un évangéliste. Et cependant on aurait pu penser qu’elle se fourvoyait dans tous les mauvais lieux et qu’elle y coudoyait la pire engeance armée d’un magnétophone pour ne rien perdre de ce qu’elle entendait. Mais remarquez bien qu’elle n’a pas lancé ses dards sur les fidèles de religions sérieuses autres que la sienne. Cela, J.-M.-G. Le Clézio l’a tout de suite compris comme le prouve le début de l’excellente préface qu’il écrivit pour ma traduction de Et ce sont les violents qui l’emportent : “Pour l’être religieux, dit-il, il y a pire que l’athée : c’est le faux prophète. La superstition, le mensonge, l’exploitation de la crédulité sont véritablement l’œuvre du diable, tandis que l’indifférence est le fait des hommes… Ce n’est donc pas la foi que nous devons juger mais plutôt ceux qui la portent.” »
Ces productions (notez que j’évite d'écrire « livre» autant que possible), seraient donc les déchets produits par ces faux prophètes du livre et pour dire les choses comme elles sont : de la merde.
Je voudrais poursuivre ma longue digression par une remarque à votre propos : je crois que vous croyez à la bonté native de l’homme, que si vous étiez un religieux — puisque l’on y fait allusion abondamment ici —, votre pensée se rapprocherait du quiétisme et de la consolation qu’il contient. Tel n’est pas mon cas, bien que j’apprécie Fénelon. Mon scepticisme m’empêche souvent d’obéir à mes premières émotions. Je me rappelle vous avoir ennuyé par le fait que, soudainement, « je n’étais plus Charlie », m’apercevant des petites manœuvres dégoûtantes qui se déroulaient dans les arrière-cuisines politiciennes sur le dos des victimes. Vous ne les regardiez pas, non par volonté délibérée, mais parce que je crois que votre éthique, votre indignation, votre douleur réelle à ce moment, vous empêchaient de vous en apercevoir. Quel rapport avec notre sujet ? Il se situe dans vos scrupules. Scrupules à penser que le mal s’insinue, que son règne emprunte des attributs banals. Pensez-vous que tout livre mérite un examen approfondi avant de décider de l’éliminer ? Je vous raconte une dernière histoire et je vous laisse tranquille, mon cher Mikaël :
Vous savez comme beaucoup ici que j’ai été libraire en chambre, vendant mes bouquins principalement par correspondance. Un jour, une personne que j’aime bien, qui avait l’habitude de vendre pas mal de choses sur le net m’apporte un lot de livres. « Je ne sais pas trop quoi en faire, toi qui vends aussi des livres d’histoire, ça pourrait t’intéresser. Je te les file. » J’avoue ne pas avoir pris garde à ce geste de générosité et j’ai mis le petit carton de livre en attente d’être catalogué. J’ai compris le jour où j’ai ouvert ce carton, constituée d’une dizaine de saloperies révisionnistes. Ce copain d’origine juive polonaise avait renoncé à les détruire (et cette attitude est compréhensible si l’on garde en mémoire l’importance du livre et du traumatisme de sa destruction dans cette culture). Je n’ai pas eu la même hésitation, bien sûr. Ils furent démembrés, déchirés et dispersés même dans plusieurs sacs-poubelle, presque comme une pratique antique de défixition, de « dispersion du corps » du délit afin qu’ils ne reviennent pas hanter les lieux. J’ai détruit des livres sur leur simple nom et je ne le regrette pas un seul instant. Parce que je n’avais pas besoin d’en approfondir le contenu. Vous voyez bien qu’il existe des cas impératifs où l’éthique penche aussi pour la destruction. Certes, cette anecdote fait état d’un paroxysme et je ne crois pas (à part les fachos, mais je les emmerde) que cela empêche quiconque de dormir. Bonus, même, puisque je me conformais à la loi en ne diffusant pas de la propagande nazie. Mais a-t-on besoin de celle-ci pour se conformer à une morale dont les premiers préceptes résident (nous nous y essayons sans grâce) dans l’harmonie et la beauté ?
Bien évidemment, la piteuse affaire de la dégradation des livres de Hollande reste une vaguelette, un phénomène marginal, mais ce monde-là vient parfois empiéter sur le nôtre et semer le trouble dans les consciences. Nous croyons assister à un sacrilège (l’autodafé !) sur un livre et au fond l’on assiste à un triste épisode de surproduction marchande au service d’une propagande médiocre (vous savez, cette fameuse médiocritas bourgeoise…)
Mon cher Mikaël, je vous envoie mes amitiés et vous présente mes excuses pour le style hâtif de ma réponse, mais je ne voulais pas traîner.

jeudi 21 novembre 2019

Oui, eh bien, il y a livre et livre, hein...

Il y a peu, dans des circonstances que je ne me suis pas donné vraiment la peine d’approfondir, un groupe d’étudiants a déchiré ou abîmé un certain nombre de livres dont l’auteur était François Hollande. Le nom de ce dernier importe peu, d’ailleurs, tant la médiocrité d’un personnage politique se révèle interchangeable… Je ne me pencherai pas non plus sur la revendication étudiante qui, si elle me semblait justifiée, ne s’en prenait en réalité qu’au piètre représentant d’un système au bout de sa représentation. Bien évidemment, votre serviteur s’est posé des questions sur cette histoire de destruction de livres. D’abord, qu’un libraire put se plaindre que l’on s’en prenne à la marchandise, mise à disposition par l’éditeur en prévision de la signature de l’insignifiant pantin politique, pourrait paraître logique. Tout volume endommagé n’est par forcément remboursé par les assurances, et il semble bien que le libraire, en effet, fasse tintin, à ce sujet. Nous sommes quelques-uns à estimer que la librairie est devenue un métier encore plus périlleux avec la généralisation des sites sur internet. Pour autant, la survie impose-t-elle qu’on s’autorise à vendre n’importe quoi sans en risquer le contrecoup ? Si le libraire en question est en accord avec les idées exprimées par l’auteur, espérons qu’il assumera les effets de la colère étudiante par solidarité militante. S’il est en désaccord et qu’il a tenté de vendre ces ouvrages par pur esprit mercenaire, on songera alors que se plaindre d’un tel incident est certes de bonne guerre pour s’assurer de la sympathie… hors ceux qui réprouvent la logique marchande consistant à vendre n’importe quoi. Enfin persiste la question de l’acte de destruction du livre, procédé qui suscite l’anathème en raison de ses réminiscences historiques. Il faudra tout de même un jour s’interroger, savoir si ce genre de merde fait partie des livres. De ce côté du clavier, l’on a fait son camp depuis pas mal de temps. Ce gâchis de papier est voué à l’obsolescence rapide et les étudiants ont seulement accéléré le processus. L’on agrée également que le métier de libraire s’arrange de quelques compromis, que l’on soit obligé de vanter des livres avec lesquels on se trouve en désaccord. Mais le curseur entre le compromis et la compromission réside dans l’éthique de la profession : celui de promouvoir des œuvres, de favoriser la culture, même si celle-ci peut se trouver en désaccord avec soi-même. Il nous est arrivé de proposer des saloperies déplaisantes, de réprouver les livres qui figuraient dans les rayonnages. On débitait tout de même ces écrivains puants, comme Céline, parce qu’il n’est pas du ressort d’un vendeur de faire un choix, tout au plus d’orienter sa clientèle. Celui-ci est devenu plus facile dès lors que l’on s’est retrouvé à son compte, et d’en payer éventuellement les conséquences. Mais ces « livres politiques », ces professions de foi à la con, cette duperie mise en page par le moindre homoncule politicard, pourquoi les appelle-t-on des livres ? Cette logorrhée dégoûtante — de quelque bord que ce soit —, parfois écrite avec les ressources lexicales d’un clébard, se révèle des « coups » opérés par des éditeurs qui ont pris la place des organes de presse. Rassurons-nous : la dévalorisation du livre va bon train. Bientôt, ces sinistres personnages s’apercevront que leurs mensonges publiés sous cette forme ne recèlent plus aucun prestige. Enfin, l’on sait bien que cet épisode de destruction, comme on l’a dit plus haut, rappelle d’autres faits plus inquiétants, plus fâcheux — plus fachos, aussi —, mais j’aurais quelques scrupules personnels à comparer le sort d’une caisse de merdes politicardes arrosées de café avec le bûcher confectionné à l’aide de livres de Zweig, Walter Benjamin, Heinrich et Klaus Mann, etc.
Mais je suis sûrement de mauvaise foi.

mercredi 18 septembre 2019

Le Tenancier au Pays des Soviets

À l’instar du proverbe de Lao-tseu qui commande de rester assis à bord de la rivière en attendant le cadavre de l’offenseur, il nous suffit, à nous, de prendre la même posture pour contempler l'écoulement des filaments putrides d’un certain vieux monde. En son temps, votre Tenancier, peu féru de littérature russe, et encore moins de dissidents (question de goût littéraire, c'est tout...), se laissa aller à bouquiner La tête de Lénine, de Nicola Bokov, dans son édition de chez Laffont. La lecture (1982) en est devenue lointaine, mais il se souvient tout de même du mode ironique du récit, pérégrination d’un type ayant volé la tête de Lénine dans son mausolée. On le répète, votre serviteur peu amateur de samizdats des années 70 goûta toutefois le ton et la concision de l’auteur, sans ressentir pour autant l’envie d’y revenir. Mieux vaut parfois une saveur imparfaite que des fragrances fanées. Faudra-t-il retrouver ce bouquet perdu afin de décrire notre monde actuel qui, à l’instar d’un régime soviétique repu, saccage la nature par son productivisme forcené tandis qu’il interpelle quelques fabricants d’écrevisse géante en carton, sous l’inculpation « d’association de malfaiteurs » ? Faudra-t-il désormais jouer avec la censure politique qui procède à l’inspection de la littérature « séditieuse » — déjà expérimentée du temps de l’affaire de Tarnac — et fait incarcérer trois jeunes Allemands de passage qui en sont les détenteurs ? Faudra-t-il bientôt rendre notre écriture transparente, de crainte de voir débouler les auxiliaires en uniforme d’une oligarchie (peu importe sa couleur) afin d’inventorier nos bibliothèques ? Faudra-t-il décrocher des portraits et partir avec sous le bras, à l’instar de la tête de Lénine, réécrire le roman de Bokov avec ce qui se passe sous nos yeux ?
Craignons que le sens de l’histoire ne s’inverse et que la farce tourne au drame. Pour l’humour et la dérision, l’on doit jouer à deux, et l’adversaire est un irréfragable con.

mardi 29 janvier 2019

Autodafés en Espagne

Il y a quelques jours de cela, Floréal, dans son blog, reproduisait un long article sur les cas d’autodafés perpétrés pas les nationaliste lors de la Guerre d’Espagne. Vous trouverez ci-dessous le lien vers ce papier fort bien documenté...




(Image tirée du blog de Floréal)

samedi 14 avril 2018

Dernier inventaire avant le saccage ?


Bibliothèque Le Taslu, Zone À Défendre, Notre-Dame des Landes
On peut en apprendre plus ici et, sinon, auprès des Zadistes...

jeudi 28 décembre 2017

Bilan de fin d'année, accompagné de quelques considérations sur la disponibilité des productions du Tenancier, l'insinuation que le libéralisme est néfaste à la culture minoritaire, et le fait que le soussigné pense que ceux qui s'approvisionnent sur des sites soi-disant culturels sont des connards (ceci se cantonnant dans le non-dit, mais suivez mon regard)

C'est la fin de l'année, tirons un bilan.
Quelques nouvelles du Fleuve ont été publiée par votre Tenancier dans des revues. Rappelons ici que l'existence de ces publications est toujours précaire et qu'un soutien paraît indispensable pour ce qui constitue un laboratoire et souvent un lieu de rencontres littéraires. Une revue répond également à des critères d'exigences qui peuvent à la longue former une école, un style, phénomène courant dans l'histoire des lettres (pour plus d'érudition, reportez vous au blog sur les petites revues, en lien ici). Hélas, peu de périodiques survivent plus de quelques numéros. Même si, à l'heure actuelle l'impression numérique permet de petits tirages, la distribution de chaque numéro est onéreuse. Bien souvent, les éditeurs de ces revues choisissent quelques libraires de confiance pour déposer des volumes et acquérir de la visibilité. Cette exposition est nécessaire pour provoquer une décision cruciale pour le travail de l'éditeur : le recours à l'abonnement. On vous prie donc, ici, de considérer ce mode d'approvisionnement pour des activités qui, bien souvent, refusent de passer par les fourches caudines de la distribution de masse, que sont Amazon, la FNAC et consorts. En effet, ces revue n'y apparaissent pas parce que les marges exigées par ces mastodontes sont fatales envers la fragilité de ces entreprises (nous comprenons ce mot dans son acception non libérale). En effet, les remises exigées par ces boîtes sont incompatibles avec des tirages et des distributions à petit nombre. Puisque l'éditeur ne peut répondre à ces contrats léonins, il n'existe tout simplement pas, ou ses publications sont épuisées. Cette brutalité économique s'applique sans état d'âme sur des mécanismes fragiles, en frôlant l'absurde. Votre serviteur a eu la chance, en 2015, d'avoir été publié par le Visage Vert, dans sa collection d'ouvrages, pour un recueil de nouvelles autour du Fleuve (qui, comme par hasard, s'intitule Le Fleuve). Ce titre est signalé comme « actuellement indisponible » sur le site d'Amazon et n'apparaît même pas sur celui de la FNAC. Or, aux dernières nouvelles, ce livre, comme les autres figurant au catalogue de l'éditeur et comme la revue éponyme — qui subit le même traitement —, est parfaitement disponible. Vous pouvez passer commande chez un libraire dont c'est d'ailleurs le métier (je sais de quoi je parle, après trente-cinq ans dans cette profession). Ajoutons, du reste, que votre libraire, lui, s'il fraude le fisc, fermera boutique, mais je m'égare. Un autre effet pervers de ces « non disponibilités » fictives réside dans une pratique courante sur internet qui consiste à faire des critiques de livres sur un blog ou un site et d'y coller dessous des liens vers les mastodontes, rémunérés aux clics. Évidemment, on aura deviné qu'aucune production du Visage Vert ou d'autres publications dans le même cas n'apparaîtront dans ce type de blog... On se rassurera en considérant la contenu de ceux-là et en concluant que, de toute façon, les revues et les publications de qualité y ont peu de  chances d'être commentées. Une chose est sûre : ces entreprises (cette fois-ci, le terme dans sa signification libérale) de distribution se foutent du refus de vente puisque les ouvrages sur leurs sites n'existent pas ou sont réputés inaccessibles. On ne vous fera pas ici le couplet du petit libraire du coin, c'est déjà fait en partie plus haut, et puis vous connaissez la musique ! On aimerait surtout que vous fassiez un peu attention, voire que vous souteniez un peu les revues. La démarche est aussi égoïste, bien sûr, puise que votre Tenancier a été publié par trois d'entre elles en cette fin d'année. Et à ce propos, voici un petit rappel de ces trois revues ici :


La Date


Le chien


La cire à esgourdes

Non content  de cela, votre Tenancier a confectionné un amuse-gueule pour happy-few, publication non professionnelle mais qui a été retrouvé sur un site américain comme étant disponible à la vente (la flemme de chercher, débrouillez-vous !). Comme on n'aura pas l’affront de penser que l'on revend si vite ce genre de petit cadeau amical, le Tenancier conclue à l'aspiration de site. Décidément, notre existence s'avère problématique. C'est rigolo : voici que notre blogue est pompé par des intelligences artificielles. On se rassurera : bien que pompé, votre serviteur ne se prend pas pour César (mais il pratique la troisième personne comme un genre) et conserve toute sa moelle. En attendant voici cette publication :


Une attente

Enfin, votre Tenancier n'aime pas trop les publications en ligne et s'y prête généralement avec réticence, à une exception : le site Les deux Zeppelins propose régulièrement des textes très courts (le contrat est de ne pas dépasser 2 000 signes) de différents auteurs dont votre serviteur. L'expérience fut ludique, certes moins travaillée, mais non moins enthousiaste. On voudrait que l'entreprise recommence en septembre prochain. Hélas, le tenancier de ce site, dont les parutions sont quotidiennes, fait face avec difficultés aux contraintes d'un tel rythme ! Continuera-t-il ? Nous allons suivre avec intérêt la suite des événements, le clavier en embuscade... En attendant, d'autres histoires y paraîtront jusqu'à l'été.


Cette deuxième partie de l'année a été féconde et pleine d'heureuses conclusions pour les travaux de fiction. Nous rappelons, à ce propos, que tous nos écrits sont testés en soufflerie et que les animaux et les humains (surtout les enfants !) qui ont souffert lors des rédactions, le méritaient amplement.

jeudi 8 juin 2017

dimanche 14 février 2016

On a dit « Pas le physique »...

Régulièrement sortent les conneries des hommes (et femmes — la connerie transcende les genres) politiques sous forme de livre. Non une anthologie de leurs mensonges et de leurs turpitudes passés, plutôt un florilège de leurs futures incompétences. Charles Dantzig (je cite de chic, n’ayant pas son volume sous les yeux) estime que cela indiquerait l’importance du livre au yeux du personnel politique. Soit. Pour notre part, nous en doutons, mais ce n’est pas ici le sujet. Ces livres inutiles arrivent parfois en rangs serrés selon les échéances électorales ou la stratégie des dits cadors. Mais tout cela, à moins d’avoir été troglodyte pendant cinquante ans, vous le savez déjà.
Récemment est sorti un livre du nègre de Nicolas Sarkozy. Il a fait l’objet d’une mise en place pléthorique chez les libraires avec des quantités sans rapport avec l’écoulement normal de ces livres chez eux. Rappelons que ces mises en place sont, selon le systèmes des « offices » (on rééditera notre billet là-dessus un de ces jours), réglés par le libraire et font l’objet d’un avoir une fois retournés. C’est donc de la trésorerie immobilisée pour un livre qui se vendra peu voire pas du tout. Certains doutent même qu’il atteigne son seuil de rentabilité. Mais cela, c’est la cuisine de l’éditeur.
Il s’est trouvé des libraires pour récriminer sur cette pratique, ce qui n’est pas du tout injustifié, et pas mal de personnes leur ont emboîté le pas. Et de parler en mal du petit trépigneur au prétexte qu’il mépriserait la Librairie Indépendante (cela vaut bien des majuscules…) Au risque de décevoir, je doute fort que l’homoncule en question ait un quelconque pouvoir dans le service commercial des éditions Plon. C’est là que s’est vraisemblablement décidé d’envoyer des quantités d’ouvrages à des points de vente qui ne savent qu’en faire. Il se peut que les pourfendeurs du petit (je sais… on a dit « Pas le physique ») aient trouvé là un terrain propice à exercer leur verve et si je ne saurais leur donner tort, j’aimerais bien que cette ironie se porte la totalité de ces merdes polluantes qui envahissent les rayonnages. On est loin du compte, la volonté de changer de paradigme s’accommode mal de l’esprit petitement partisan. Or, le nombre de merdouilles publiées autant à droite qu’à gauche est à peu près égal…
Mais revenons un instant à cette idée romantique de librairie indépendante. Si ces libraires ont reçu cet ouvrage sans en maîtriser la quantité, c’est qu’ils avaient passé un contrat avec l’éditeur selon lequel il recevraient — comme mentionné dans leur « grille d’office » — certains livres « politiques ». Je note que la plupart ne conteste pas l’existence de tel livres. Ils se plaignent en revanche de ces offices sauvages, ce qui n’est pas neuf dans la pratique des distributeurs de livres. Je note que ces libraires, au-delà de cette acceptation d’un office spécialisé ou non, acceptent en général de ne pas maîtriser les flux arrivant dans leurs boutiques, ce qui fait d’eux non des commerçants classiques mais des dépositaires de livres, rejoignant en cela la gestion des marchands de journaux et dépendant ainsi d’un système de distribution régnant sur leurs arrivages. A partir de là, où s’opère le choix de ces libraires ? Sont-ils fondés à se déclarer plus « indépendants » qu’une chaîne ou la boutique Kulture du supermarché du coin ?
J’en doute.
Après tout, peut-être qu’ils le méritent, ce bouquin de Sarko…

lundi 27 avril 2015

Acidité du papier

L'acidité est le plus grave et le plus vaste problème concernant la pérennité du livre. Ce phénomène provoque la dégradation du papier qui devient cassant, s’émiette, se transforme en poussière dès que vous ouvrez le livre. Le problème touche, semble-t-il, près de trois millions d’ouvrages conservés à la Bibliothèque Nationale. On peut penser que la majorité des bibliothèques conservant un fonds un peu ancien est également touchée par le problème puisque l’acidité atteint tous les ouvrages publiés entre la moitié du XIXe siècle jusqu’aux années 80.
Au cours de l’année 1840, une pénurie de papier sévit en France. La production traditionnelle à base de chiffon ou de lin ne pouvait plus faire face à l’essor spectaculaire de la presse et de l’édition. A cette véritable révolution éditoriale il fallut répondre par des techniques de production alternatives. Les industriels proposèrent en 1844 un procédé de production du papier à partir de bois de résineux, le liant étant opéré par un mélange de colophane et de sulfate d’aluminium en milieu acide. Or ce procédé engendre avec le temps des acides qui hydrolysent la cellulose. Cette destruction lente est inégale selon les éditeurs, les ouvrages ou même parfois à l’intérieur d’un tirage. Aucun procédé de conservation simple et bon marché n’est satisfaisant. La plupart des ouvrages que nous lisons encore maintenant dureront moins qu’un ouvrage publié au XVIIe ou au XVIIIe siècle. Il vous suffit, pour vous en convaincre, d’ouvrir l’un de ceux-là et de le comparer à un titre sur bouffant d’édition publié ne serait-ce qu’il y a une trentaine d’années.
De même, on ne s’étonnera pas de voir certains ouvrages du Mercure de France de la période symboliste s’émietter en une sorte de neige brune lorsqu’on en entrouvre les pages.
Le seul recours à cette destruction est un procédé par autoclave qui libère les acides, qu’utilise la Bibliothèque Nationale. Mais ces systèmes sont longs et ne permettront de ne sauver que les parties les plus précieuses des collections. Des choix devront être faits. L’autre solution est la numérisation des textes. Les curieux et les amateurs se reporteront avec bonheur au site de la Bibliothèque Nationale et sa bibliothèque numérisée GALLICA. Cette solution est destructrice, elle impose un démembrement des ouvrages ou, à tout le moins une cassure des dos. Elle implique – et ce sera certainement le sujet d’un autre article – que le choix du format électronique soit lui-même pérenne. Pour notre part, nous avons du mal à penser que les formats en vigueur soient définitifs et craignons plutôt que les normes de numérisation ne deviennent rapidement obsolètes…
En réalité, bien que les éditeurs et les imprimeurs n’y eurent pas songé en apparence, une technique de conservation du papier était déjà à l’œuvre bien avant 1844. Il s’agissait tout simplement de la manie de décliner les éditions en tirages de luxe. Ainsi, la plupart des beaux papiers utilisés provenaient — même encore maintenant — de productions semi-artisanales excluant la pulpe de bois : Hollande, Japon, Vergé, Pur Fil, Chine, etc. ont gardé leur fraîcheur tandis que les tirages ordinaires brunissent et s’effacent sous leur encre.
La bibliophilie est un facteur de conservation des livres, mais nous savions déjà que ce n’était pas qu’une activité de dangereux maniaques.
A l’heure, actuelle, on a de plus en plus recours à des papiers qui excluent la pulpe de bois. Ces normes internationales sont de plus en plus adoptées par les éditeurs. L’exemple le plus célèbre en France est l’édition courante de Harry Potter. J’ai assisté, lors d’un voyage en Finlande, à la fabrication de ce type de papier.
Il est désormais temps de retrousser nos manches et de faire des réimpressions de nos éditions préférées. Elles pourront être lues alors que nous-mêmes aurons été mordus définitivement par l’acidité du temps.

Cet articulet n'aurait pu être rédigé sans la lecture enrichissante de l'article de Bertrand Lavédrine : "Comment sauver les livres ?", publié dans le numéro 323 de la revue Pour La Science (septembre 2004). On trouvera également un long développement sur les normes du papier permanent ici.



Publié en octobre 2008 sur le blog Feuilles d'automne, ce billet fit l'objet d'un commentaire d'Otto Naumme :

Quelques remarques sur la numérisation :
— il y a belle lurette qu'on sait numériser un livre sans lui casser le dos ; j'imagine que ce sont les méthodes utilisées par la BN, que je ne vois pas massacrer sciemment des ouvrages précieux. Faut dire que ce sont pas les mêmes scanners que ceux dont on dispose à la maison. C'est plus lent, mais ça casse rien.
— en ce qui concerne les formats numériques : oui, ça évoluera dans le temps, on passera des actuels Jpg ou Pdf à quelque chose d'autre. Mais le transfert d'un format numérique à un autre n'est pas bien compliqué, il s'agit juste de convertir. Ça peut prendre du temps, c'est tout.
Pour le reste, si j'avais su dans mes jeunes années que le papier était acide, j'aurai léché les pages ! Coooooool, man...

Auquel je répondis :

Vos remarques sont très justes, et je crains de m'être un peu trop avancé pour ce qui concerne la numérisation, d'autant que j'avais vu déjà de tels appareils fonctionner.
Pour les formats, certes, une conversion est toujours envisageable, bien que cela consiste à passer le plus souvent d'un format "propriétaire" à un autre. Je me demande s'il ne serait pas préférable d'opter pour une norme et un format libres pour la conservations des données du patrimoine publique.
Par ailleurs, se pose également la question de la pérennité des supports matériels de l'information.
Enfin, cher Otto, je vous avoue mes lacunes en matière de buvards...

dimanche 12 avril 2015

Les rubans adhésifs

Eh bien voilà : vous avez par mégarde arraché la couverture de votre bouquin, ou alors vous l'avez fait tomber et le cartonnage s'est déboîté. « Pas de problème, vous dites-vous, je vais le ré-pa-rer ! »
Et avec quoi, s'il vous plait ? Du ruban adhésif, c'est ça ?
Bravo.
Compliments, c'est réparé.
Vous l'avez bardé d'adhésif au dos, vous avez rapproché les lèvres béantes des pages et bien lissé avec votre doigt la bande transparente qui doit les lier pour l'éternité. Mieux encore, pour qu'il soit désormais protégé, vous l'avez recouvert d'une couverture plastique ou, moindre mal, de papier cristal que vous avez aussi fixé avec le même adhésif au revers.
Fier de votre œuvre, vous replacez votre prestigieux travail dans votre bibliothèque et vous n'y pensez plus.
Vous avez raison de ne plus y penser.
J'envie votre manque de remords.

Car vous venez de tuer un livre.

Le ruban adhésif, autrement appelé « Scotch » — mais je préfère être impartial et mettre cette cochonnerie sous son titre générique et non sous l'une de ses marques — est le fléau du libraire et de l’amoureux du livre.


« Un pari de milliardaire », de Mark Twain, une édition de 1925 bonne pour la poubelle...

Le livre que vous avez « restauré » il y a peu devient vraiment solidaire du ruban adhésif au bout de peu de temps, c’est même le plus souvent immédiat. Impossible de l'en séparer car le risque d’arracher le papier, soit sa couche superficielle, soit de provoquer son déchirement, est inévitable. Vous allez avoir le temps de macérer dans vos regrets. En effet, l'opération qui suit est un peu plus lente mais tout aussi inéluctable. Par capillarité, le papier va absorber la substance collante, laquelle a déjà commencé à changer de couleur en virant au jaunâtre et bientôt au brunâtre. Enfin, la partie transparente en matière vraisemblablement dérivée d'un plastique commence à se rigidifier, à subir une sorte de vulcanisation, elle commence à se détacher laissant sous elle une bande marron et parfois — c'est amusant ! — encore collante ou bien poisseuse. Phénomène qui n'est pas sans intérêt : les livres qui côtoient ces belles restaurations sont ainsi collés à celles-ci avec le risque de voir un arrachage de la surface des couvertures... Ainsi, l'on bousille trois bouquins d'un coup au lieu d'un en utilisant cette bombe à retardement qu'est la dégradation progressive du ruban adhésif.


Si l'on est attentif, on verra la marque de l'adhésif qui a traversé ce côté-ci de la couverture...

Ah, ces pages de garde collantes, parce que vous avez utilisé ces mêmes adhésifs pour maintenir du papier cristal ! Mais pourquoi faire, Grands Dieux, le cristal tient tout seul ! (Je vous ferai une démonstration, un de ces jours. Bien sûr, la matière collante a traversé la couverture et vous vous retrouvez avec des bandes brunes sur celle-ci. Y a-t-il un réconfort à tout cela ?
En toutes choses, il faut voir le côté positif : vous avez des chances de garder cet ouvrage jusqu’à la fin de votre vie, car aucun libraire n’en voudra. Ainsi, perpétuel compagnon de vos regrets, il vous suivra jusqu’à votre sénescence, voire au-delà. Comme il n’est nul luxe inutile — et le livre fait précisément partie de ces choses superflues dont on ne saurait se passer (sauf ceux qui se gobergent de leur ignardise, bien sûr) — je vous conseille de faire de vos expérimentations hasardeuses en matière de restauration un joli bûcher in-octavo pour vous accompagner aux cieux. Ainsi, ces mêmes remords se disperseront avec vos cendres.


On se demande ce que le bricoleur a voulu faire en consolidant le bord du deuxième plat...



Où l'adhésif se décolle sans effort et laisse à découvert la substance collante

Mais ne restons pas sur ces funèbres considérations.
S’il n’y a guère de remède aux brunissures infligées par ces bandes adhésives, il faut se dire que cela n’a guère d’importance pour un livre de poche. A moins, bien sûr, d’y tenir pour des raisons sentimentales. Se pose également la question de la pérennité de certains ouvrages apparemment courants à leur sortie et qu’un quelconque purgatoire a raréfié. Ceux-là sont des victimes potentielles. Le problème se pose de moins en moins au fur et à mesure que l’on remonte cette hiérarchie mouvante du livre de valeur. Il est parfois des exceptions...
Les alternatives aux adhésifs sont réduites. Si vous jugez que votre ouvrage est digne de subir une restauration, adressez-vous à un relieur. Il saura vous proposer une restauration certes un peu voyante, parfois, par rapport au résultat immédiat et flatteur des rubans adhésifs. Il s'agira ici d'apposer une bande de papier de soie enduite de colle à poisson. Mais ces restaurations ont l’avantage d’être réversibles, la plupart du temps. Effectuée par un professionnel le résultat de l‘intervention est même invisible. Très souvent, même, l’habileté de l’artisan vous permettra de prolonger la vie de vos livres en leur offrant des emboîtages … Enfin, si la colle à poisson et le papier de soie ne vous satisfont pas alors que vous avez arraché malencontreusement une couverture, posez-vous la question d’une reliure ou d’un bradel. Mais tout ceci est déjà un autre sujet.
 
Billet légèrement revu, publié originellement en octobre 2008 sur le blogue Feuilles d’automne.

samedi 6 décembre 2014

De l’écriture manuscrite, considérée dans sa possible disparition

Faire sa fête à l’écriture manuscrite : l’idée provient sans doute d’un consortium d’hyper cerveaux du côté de quelque Silicon Valley. Il s’agit de substituer à l’apprentissage, par enfants et adolescents, du geste graphique, le glorieux et rapide « traitement de texte » que permet la technologie. Pratique obscurantiste et démodée que l’écriture manuscrite ? Avatar médiéval ? Luxe aristocratique ? Nous y sommes. S’agirait-il de la mettre hors la loi, comme c’est le cas désormais dans une partie des états américains ? et comme c’est en débat dans certains états d’Europe du Nord ? L‘école ne serait plus un lieu où la pensée se construit à la main, dans le sillon des lignes. Adieu plumes et stylos, crayons et feutres. Au revoir la page intimidante, les brouillons griffonnés, les incipit emblasonnés, les calligraphies tâtonnantes où la lettre prend corps. Exit enfin,la musicalité du cahier, cet ensemble relié de variations sur le thème de l’apprentissage personnel.. Autant d’accessoires à ranger au cabinet des antiques , avec étiquette datée, pour tout cet attirail devenu historique, obscur témoin de l’écriture et de la différence. C’est d’ailleurs cette « différance », avec ses ratures et ses marges, qu’il s’agit de traiter comme une approximation, ou une tare. Mais s’est-on suffisamment enquis de ce que pourrait bien signifier une enfance sans trace écrite, et, dans nos sociétés, une entrée dans la vie dénuée de cettealchimie lettriste qui ouvre la porte des signes ?
Alors oui, surveillons nos plumes et nos (belles) lettres ! Quelles que soient par ailleurs nos pratiques sociales et culturelles, applaudissons l’écriture manuscrite, canevas premier d’une toile ultérieur. Retrouvons parfois l’émotion du « vide papier que sa blancheur défend »… Mesurons aussi l’ampleur des risques à l’aune de la « haine de l’écriture », et de ses conséquences historiques.

Jean-François Cassat

mardi 2 décembre 2014

Où le Tenancier soliloque et sent confusément qu'il va y avoir de la relance dans la gelée de coings à cause d'un éditeur qui ferait des livres, paraît-il...

Il m’a été donné de montrer mon exaspération à plusieurs reprises dans le présent blogue et celui qui le précédait au sujet du commerce du livre et de la librairie, position que l’on jugera légitime si l’on se souvient que je suis dans ce métier depuis 1979, ou bien anormale si l’on considère mon éloignement des pratiques de la librairie de neuf ou toute autre métier s’y rapportant depuis quelques années. Je m’aperçois avec la distance que l’énervement ou l’inquiétude que je manifestais ne se rapportait pas tant aux pratiques qu’aux mentalités qui prévalent toujours dans ce milieu et qu’il m’arrive de constater souvent lorsque je rentre dans certaines librairies, ou bien lorsque j’ai affaire professionnellement à elles — pas trop souvent, fort heureusement. Que l’on ne se méprenne pas sur ces précautions oratoires ; par ce préambule j’énonce simplement l’endroit « d’où je parle » et je ne cherche pas un instant à me conférer une quelconque légitimité en matière de commerce de livre. A la vérité, cette distance a été entérinée il y a des années, lorsque j’ai déclaré que jamais je ne retournerai en librairie de neuf. Partant de cela, je ne vais pas non plus me réfugier dans une sorte de fausse modestie. J’ai bouffé du livre à toutes les sauces depuis à peu près trente-cinq ans, vendu des merdes immondes ou des livres sublimes, des populaires ou des tirages de tête, tenu des stands de BD (Les Humanoïdes, s’il vous plaît !) et me suis un peu torché lors d’une convention de SF (et n’en suis pas fier), édité des livres fabriqués par un grand artisan du livre, critiqué, fabriqué très modestement des bouquins fautifs avec des coquilles dans le coin de mon burlingue, et j’en ai lus aussi. J’ai appris finalement que le déluge pouvait tomber après moi parce que j’aurai mon comptant de livres jusqu’à ce que on me balance dans le trou et que je vais finir avec un retard de lecture abyssal, jouissance de la plénitude jamais assouvie, assez masochiste, en somme. Tout cela m’appartient, y compris le fait que j’ai fini par savoir ce qu’est un livre correct. Non, je ne sais pas ce qu’est un livre. Je ne suis pas cuistre à ce point. Ce savoir là est détenu par l’artisan que je cite plus haut ou bien par des personnes qui portent l’amour du livre jusqu’à en avoir des exigences d’amant. Moi, je me contenterai du livre correct, celui qui ne se fout pas de la gueule du monde, qui respecte le lecteur et son auteur, dont la mise en page observe quelques règles, dont le brochage ne sort pas de chez Barnum, dont la maquette et l’allure générale ne fait pas dans cette fausse frugalité qui recouvre l’impéritie. Voici ce que j’écrivais en commentaire d’un de mes billets il y a cinq ans :
« Allons au bout de notre pensée, pour ne point trop être sibyllin : se moquer de la fabrication d'un livre c'est accepter qu'il soit fabriqué n'importe comment, c'est donc abaisser son critère d'exigence au plus petit dénominateur commun avec le papier hygiénique. Mépriser la fabrication du livre, sa mise en page, ses formats, sa composition, sa typo, s'est se disqualifier définitivement lorsque l'on vient me vanter du livre en tant que matériaux irremplaçable de la lecture. Certes, cela n'empêchera personne de lire que de le faire sur du papier dégueulasse, une mise en page déséquilibrée, etc. Mais l'enjeu de sa pérennité est là. En ne vivant que dans la précarité du présent, la plupart des libraires de neuf que je croise encore n’ont aucune idée de la tradition du livre, de son passé et de ses créateurs. Et ces libraires mêmes condamnent leur outil de travail par indifférence affichée.
Alors, oui, on peut ne pas savoir faire une différence entre un in-8° et in-4°, entre une reliure et un cartonnage, entre un livre de la Pléiade et un beau livre... Mais ne venez pas vous plaindre que, vendant des livres de merde, ils le soient sur des supports aussi indigents. Et demandez-vous pourquoi les éditeurs de bibliophilie contemporaine, les créateurs qui travaillent main dans la main : typographes, graveurs, poètes ou écrivains, lithographes, etc., ne se reconnaissent qu'à peine dans vos activités de libraires... et pourquoi ces livres se retrouvent hors de vos rayons. »
Il s’avère que cette appréciation agacée que je livrais à l’encontre des libraires peut fort bien se reporter à certains éditeurs qui, croyant pourfendre les libraires refusant de prendre leurs ouvrages semblent ne pas vouloir s’apercevoir de la médiocrité de ce qu’ils fabriquent. Ces mêmes éditeurs ont beau traiter les libraires de boutiquiers, il n’en demeure pas moins qu’ils ne valent pas mieux lorsque l’on contemple ce qu’ils osent appeler des « livres ».
Ce billet constitue une réponse au billet d’un blog d’éditeur ; je ne le citerai pas et ne mettrai pas de lien. Il m’est arrivé d’avoir de ses productions entre les mains. Il m’est arrivé d’en avoir vendu (à la Librairie Delatte, déjà citée dans ce blogue). Il m’est même arrivé d’en critiquer l’aspect publiquement et de m’être attiré le courroux d’un auteur ami et publié par celui-ci. Le conflit pour le conflit ne m’intéresse pas. Une chose est sûre, j’ai acheté un livre par amitié et un autre il y a longtemps pour compléter une connaissance. A mon avis, on ne m’y reprendra pas parce que ce sont des livres qui ne me respectent pas.

lundi 27 octobre 2014

Misery : écrire pour survivre — Troisième partie & fin

Chapitres précédents :
Introduction
I. Les livres sacrés

II. « »

III.  Écrire ou mourir

     Dans son ouvrage L'écrit au cinéma, Michel Chion écrit : « les écritures dactylographiées – peu importe si l'on écrit avec dix doigts, deux pouces, ou un index – effacent les traces des gestes qui les ont créées » (p.107). La première image du roman Misery met en scène la machine à écrire de manière frontale. Toute la part d'humanité à disparu. On ne voit plus l'homme derrière la machine, seulement les lettres noires s'incruster sur le papier blanc. La saga des Misery sont des livres de commande de l'éditeur, c'est une écriture sous la contrainte. Cette retenue de la créativité est le fil directeur de toute la relation d'Annie et de Paul. Misery ne doit pas mourir, c'est une loi à ne pas transgresser sous peine de mort dans d'affreuses souffrances. L'écriture devient un chantage, une torture. Dans la maison de sa ravisseuse, le nouveau bureau de Paul est placé à côté de la fenêtre de sa chambre. Enfermé à clé toute la journée dans ce nouvel espace, la solitude, l'angoisse et l'obligation de création côtoient le sentiment de liberté, d'évasion provenant de la montagne enneigée où se situe le chalet.
      Sur l'affiche officielle du film on peut lire : « Paul Sheldon écrivait pour gagner sa vie. Maintenant, il écrit pour rester en vie ». L'épisode de Misery arrive dans la vie de Paul Sheldon au moment où il décide de plus gagner sa vie en écrivant sa fameuse saga, mais en s'orientant vers un autre type d'écrit, plus personnel. C'est donc au moment où il décide de ne plus, d'une certaine manière, gagner sa vie mais plutôt de vivre sa vie, que ses romans deviennent le début de sa fin. L'un des premiers plans met en scène ce mot « fin ». À la dernière page de son roman dactylographié, la main de l'écrivain tenant un crayon à papier entre dans le cadre, et écrit sur la feuille. On constate l'évolution du rapport à l'écriture. De notre perception d'une machine autonome, on a l'introduction d'une part humaine. Cette cohabitation sera le mot d'ordre du processus de création chez Annie. La machine à écrire du chalet n'a plus la lettre « n ». Il faudra les rajouter par la suite. À l'écriture standard s'ajoute l'écriture manuscrite, c'est à dire la variation, le hasard. Même avec des écritures personnelles, toutes nos lettres ne sont pas toujours formées de la même manière. L'écriture formatée semble désigner un destin tout tracé, une mort certaine, tandis que l'apport manuscrit est un pas, une chance de survivre. Et c'est justement sur cette oscillation entre espoir et fatalité que Rob Reiner va jouer dans sa mise en scène globale. Le spectateur est également associé au déroulement de la rédaction du roman. Sur son écran, il peut voir défiler les chapitres (« chapitre 5 », « chapitre 12 »...), et peut attraper au vol quelques mots.
      D'autres indices annoncent l'écriture comme une destruction. En revenant du magasin, Annie rapporte du papier à son écrivain. La fibre fait baver l'encre. C'est une représentation explicite de la perte de sens et d'une histoire qui sera vouée à l'échec avant même d'avoir démarré. À nouveau le doigt de l'écrivain se glisse dans le cadre. Anticipation sur le fait que l'homme sera à l'origine de l'anéantissement : Annie séquestre et torture physiquement Paul, il la tuera psychologiquement dans un premier temps en brûlant son roman sous ses yeux, puis dans un deuxième temps physiquement en utilisant sa machine à écrire pour lui fracasser le crâne à deux reprises.
     Enfin, l'image cinématographique tisse un lien avec l'adaptation de Shining de 1980 par Kubrick. Cette fois le sujet est l'écrivain qui n'écrit plus. Dans un huis clos, un univers qui en somme n'est pas humain dans le sens où il ne respecte pas les droits de l'homme, l'homme se retrouve seul face à lui-même. Paradoxalement, cette rencontre n'est pas fructueuse. L'enfermement laisse place à la folie. Dans Shining, Jack Torrance se laisse embarquer dans une folie meurtrière, tandis que dans Misery, Annie est la réincarnation d'un démon. Cette (dé)possession de l'esprit, influe sur l'acte de création et rend le langage écrit vide et répétitif.    


     Chaque histoire de Stephen King, est marquée par une présence impalpable et omniprésente. Dans Christine, elle rend un adolescent amoureux de sa voiture. Les animaux de Simetierre, reviennent à la vie. Et c'est cette présence qui conduit les gardiens de l'hôtel de Shining à commettre des meurtres. Annie Wilkes est l'incarnation de ce phénomène mystique et maléfique. Elle est d'autant plus effrayante qu'elle semble réelle. Sa relation avec le personnage de fiction Misery la rend humaine et participe à un procédé d'identification avec le spectateur. En effet on a tous été fan d'un personnage de fiction. Cependant cette relation s'évapore dès qu'Annie s'intéresse de plus près au travail de Paul. Le côté psychotique du personnage apparaît. L'écriture sera affectée par cette pathologie et la représentation sera tiraillée entre des plans sur la machine à écrire avec une police formatée, et un côté plus humain avec l'introduction dans le cadre des mains de l'auteur.
     Annie, Paul et Misery forment un trio inséparable. Si le personnage de la fiction littéraire meurt, ceux de la fiction cinématographique meurent également. Paul est brûlé et Annie est anéantie. Rob Reiner réussit à l'écran à recréer ce lien étroit que Stephen King imaginait en 1987. Une autre connexion naît trente ans plus tard et rapproche Annie de N. Tous les deux psychotiques ont des troubles obsessionnels du comportement. Cette démence semble être véhiculée par la lettre « n ». Comme un poison, une maladie héréditaire, il ne serait pas étonnant de la retrouver dans la descendance littéraire de ces deux personnages.



Fiche technique

Titre : Misery
Réalisation : Rob Reiner
Scénario : William Goldman d'adapté un roman de Stephen King
Acteurs : James Caan (Paul Sheldon, Kathy Bates (Annie Wilkes), Lauren Bacall (Marcia Sindell), Richard Farnsworth (Buster), Frances Sternhagen (Virginia)...
Pays : États-Unis
Durée : 1h47 min
Musique : Marc Shaiman
Directeur de la photographie : Barry Sonnefeld
Montage : Robert Leighton
Budget 20 millions de dollars
Genre : Thriller, Horreur, Drame



Sources

http://sitecoles.formiris.org/?WebZoneID=590&ArticleID=1807
Dictionnaire des symboles, J. Chevalier et A. Gheerbrant — Robert Laffont, coll. Bouquins, 1997
La Bible de Jérusalem — Les éditions du Cerf, 1998
L'écrit au cinéma, Michel Chion — Armand colin, 2013
DVD Shining, Stanley Kubrick, 1980
DVD Misery, Robb Reiner, 1990