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samedi 20 mai 2023

Mes quinze balles !

Votre Tenancier pensait, à la rédaction du précédent billet, que la maison Corti avait légèrement déraillé en reproduisant un manuscrit forcément illisible étant donné le format et la qualité de reproduction, sans doute par « marketing » ou par esprit de lucre (je ne digère toujours pas ces quinze balles !) Un peu éloigné des circulations éditoriales, il ignorait que la maison venait de changer de main, annonce qui le laisserait de marbre si le boulot avait été assumé de façon correcte (mes quinze balles, bordeyle !) Étant établi, cette transition expliquait peut-être la maladresse de cette reproduction illisible sur une quarantaine de pages. Or, à l’écoute de l’émission « Book Club » qui, comme son anglicisme l’indique est diffusée sur France Cul et se consacrait ce jour-là à Julien Gracq, on s’aperçoit que ces nouveaux éditeurs causaient du contenu du manuscrit — le choix entre deux adjectifs sur lesquels Gracq semble indécis — comme si la nuance était accessible au riche bienheureux qui se serait procuré le bouquin ! Cela mène votre Tenancier à une question : ces éditeurs se foutaient-ils de nos tronches où avaient-ils seulement ouvert le livre ? L’on vous a montré grâce à un typomètre judicieusement placé la taille de la reproduction. Ils sont qui, ces gens ? Sont-ce les héritiers de Peter Parker pour avoir autant d’acuité visuelle ? Bien entendu et comme la révérence semble de règle dans ce genre de manifestation, il ne semble pas que l’animateur ait objecté sur ce sujet. Précisons le sens de ce « il ne semble pas » : votre Tenancier a coupé le poste de radio, se disant qu’il avait assez rigolé comme ça, et que, préparant la poupoute du midi, toute son attention était requise. A priori, il présume donc que ledit animateur n’a pas moufté à cette énormité étant donné le taux de connivence.
Reste de toute façon la fâcheuse impression de s’être fait repassé de quinze balles comme au coin d’un bois. La prochaine fois, votre Tenancier ira au peep-show, l’arnaque est moins snob mais on en a autant pour son artiche et il a peut-être des chances d’y apprendre quelque chose, d’autant qu’on peut y concéder quelque tolérance, c’est le cas de le dire, pour les anglicismes. Tant pis pour mon libraire (j’en ai un, maintenant !)
J’aurais pu, comme notre adorable George Weaver vous coller le machin qui vous permettrait d’écouter l’émission à partir de ce blog, mais :
— Il a la flemme ;
— Les bourges le fatiguent ;
— S’il avait voulu qu'on cause l’angliche il vous aurait branché sur la BBC.
Sans être de la haute, on se montrera bon prince en vous fournissant le lien vers le site. Mais n’en demandez pas plus, à moins qu’on nous rembourse.
Le Book Club (mais quel titre à la con...) sur France Culture.

jeudi 11 mai 2023

Une littérature à la loupe

Votre Tenancier chéri, en général, s’abstient de toute critique littéraire et garde ses manies de lecture pour lui-même. Restons laconique en affirmant notre satisfaction au sujet de la nouvelle de Julien Gracq, La maison, dont le dévoilement final reste extrêmement plaisant. On laissera les exégètes développer le sujet, car ce n’est pas tout à fait le nôtre ici. Signalons qu’il s’agit d’un récit court, 28 pages de texte, auquel on a ajouté une postface, mais également le «fac-similé» des deux états du manuscrit, in extenso, semble-t-il. L’ensemble compte 84 pages, dispensables pour la majorité de celles-ci. 
 

Que la maison Corti se sente le besoin de reproduire les manuscrits d’un auteur, cela, au fond, les regarde et nous avons connu des éditions passionnantes ailleurs, dotées d’appareils critiques et de translations en vis-à-vis qui laissaient un peu pénétrer l’esprit d’une œuvre. Ce n’est pas le cas du tout ici ; on peut même songer à un foutage de gueule qui nous mène à contempler la réduction de pages manuscrites qui — à ce que l’on présume puisqu’aucune indication n’est donnée — auraient été rédigées sur des feuillets de format 21x27 cm (format courant d’époque) et rendues dans un ouvrage de 13,5 x18 cm. Le résultat de l’affaire contraint le curieux à recourir à une loupe à fort grossissement pour tenter de déchiffrer l’écriture de Julien Gracq. À ce stade, il constatera l’impression dégueulasse au point d’estimer qu’un fanzine photocopié des années 1980 était plus soigné, et nous fait accroire que la vitre du scanner a été nettoyée avec du gras de jambon, tant la reproduction manque parfois de netteté et de contraste. Le résultat est illisible.
Mais, au fait, la copie de ces manuscrits se révélait-elle si indispensable? Il semble que, du point de vue de l’éditeur, cela justifie le prix exorbitant de 15 € pour une trentaine de pages lisibles et 84 pages effectives, jouant sans doute sur la ferveur d’un cénacle d’amateurs. Pour votre Tenancier, il considère qu’il a assez rigolé et que la vénérable maison Corti peut désormais se brosser pour que le Tenancier leur refile quelques sesterces après une telle opération. On arguera peut-être que les clichés des manuscrits ont été fournis par la Bibliothèque nationale de France et que la qualité médiocre peut éventuellement provenir de cette source. Nous souhaitons alors vivement qu’une partie de nos impôts passent dans l’équipement de matériels et de logiciels performants, comme Photoshop qui possède des fonctions de luminosité et de contraste… Si ce n’est pas le cas, rappelons aussi à l’éditeur que d’autres formats existent, comme l’in-4°, par exemple, qui approche la dimension originelle des feuillets rédigés par Gracq, à ce que l’on peut présumer. Il pouvait réfléchir au choix de son imprimeur. Il pouvait également renoncer à cette reproduction qui n’apporte pas grand-chose à la plupart des amateurs. Quitte à payer cher un livre, autant le faire pour quelque chose de lisible in extenso, car cet aspect du problème, cette fois-ci nous regarde bel et bien : notre fétichisme porte sur des objets plus gracieux destinés à nous procurer du plaisir.
 

Nous avons délicatement laissé tomber cette règle sur la page afin de vous donner un aperçu de la taille de la reproduction

samedi 23 janvier 2021

Magie de la retouche


Le lecteur du blog n’aura pu éviter le billet édité dernièrement où l’on découvrait l’un de nos auteurs préférés dans les colonnes d’un journal de téloche, une institution même.  Comme dit Jules dans son commentaire « Julien Gracq dans Télé 7 jours ! Et vous voudriez qu'on ne soit pas nostalgique. » On peu évidemment analyser ce papier ainsi que la diffusion afférente d’Un beau ténébreux à l’ORTF comme une incongruité à l’aune de l’indigence de la production télévisuelle actuelle. Mais il ne rentre pas dans notre propos de vitupérer la connerie contemporaine. On réserve cela pour nos vieux jours, si nous avons la possibilité d’en jouir et de ne point faire trop souvent chabrot dans notre potage.
Un élément de la double page du journal a cependant attiré notre regard et a suscité une réminiscence : celle du visage du conférencier occidental représenté dans le chapitre Le visage écrit, dans L’Empire de signes de Roland Barthes. Si l’on ne détient pas le livre sous les yeux, on se souviendra toutefois des traits subtilement anamorphosés par le jeu de la typographie nippone qui laissait accroire à un une mutation du sujet… Par ailleurs, l’auteur s’exprime sur le visage et principalement sur le gommage des traits :
La face est seulement la chose à écrire, mais ce futur est déjà lui-même écrit part la main qui a passé le blanc des sourcils, la protubérance du nez, les méplats des joues, et donné à la page de chair la limite noire d’une chevelure compacte comme de la pierre. La blancheur du visage, nullement candide, mais lourde, dense jusqu’à l’écœurement, comme le sucre, signifie en même temps deux mouvements contradictoires : l’immobilité (que nous appellerions « moralement » impassibilité) et la fragilité (que nous appellerions de la même manière mais sans plus de succès : émotivité).

Photo Télé 7 jours
 
Photo de presse

Contemplons maintenant le visage de Julien Gracq dans les colonnes de Télé 7 jours et comparons-là avec un cliché prit le même jour, c'est-à-dire au moment où il refuse le prix Goncourt, le 3 décembre 1951. On constate immédiatement la retouche excessive pratiquée par le journal, au point de rendre l’auteur méconnaissable, jusqu’à provoquer la réminiscence dont on vous parlait plus haut. À ce stade de notre digression, nous nous trouvons en droit de poser une question essentielle : Télé 7 jours ne serait-il pas un organe prochinois en pleine révolution culturelle (1973, date du papier) qui aurait, par aveuglement idéologique, malice militante, où conformisme culturel du retoucheur infiltré, transformé un auteur français en créature sinisée ? L’opération fut-elle avalisée par l’auteur lui-même, déçu de sa fréquentation des cénacles pompidoliens et en quête de nouveaux horizons ? Nous n’osons le croire.
Mais cela suscite quelques interrogations. Il nous faudra attendre 2027 pour connaître la vérité, date à laquelle certains carnets de Julien Gracq seront enfin libres de consultation…
 
(L'auteur de ce billet ne confond évidemment pas Japon et Chine et le rapprochement de ces deux cultures reste le pur produit des déductions de votre Tenancier dans ce cas précis.)

lundi 6 avril 2015

Les dimanches du Tenancier

Le Tenancier parfois se livre à l’ennui presque au péril de sa vie. Pour autant, il ne fera pas de tribulations en Chine pour y remédier. Lorsque le Tenancier s’ennuie il ne lit pas, mais il fabrique des petits machins. Quand on est en détention à l’intérieur de soi-même, rien ne vaut les travaux manuels. Mais vous connaissez le Tenancier : il ne fait rien qui ne s’accorde à ses petites manies. S’il ne lit pas, il fabrique des bouquins pour son plaisir et parfois celui des autres. C’est ainsi que le dimanche qui à précédé le présent exposé, il a fabriqué une plaquette sur le coin de son bureau. Il n’en ferait pas état d’ordinaire, mais comme le texte est captivant et visible par tout le monde, le Tenancier n’hésite plus : il partage...
Il faut dire que, de loin en loin, il assaisonne ses pauvres correspondants de sa prose (trop) courante et qu’il garde pour lui les textes qu’il distingue au hasard des lectures dans la presse ou sur certains blogs en les imprimant. Hélas, rien n’est plus emmerdatifs que le format A4. Il se résout donc à jouer de la PAO, du cutter et de la colle pour garder les textes les plus intéressants dans sa bibliothèque dans un format plus agréable.
Le texte retenu ici est intitulé A la recherche du Rivage des Syrtes et on trouvera le lien vers l'article ici. Cette exploration géographique du roman rejoint celle d’Yves Lacoste parue dans la revue Hérodote il y a pas mal de temps... On ne s’étendra pas trop longtemps sur l’affection — presque banale — du Tenancier pour Gracq. On comprendra tout de même l’obligation de confectionner cet article en brochure.
La composition a été faite avec un vieux Pagemaker, pour une raison essentielle — qui a présidé à toutes ses autres confections de livres : le logiciel comporte un « plugin » qui permet d’imposer les pages (c’est à dire de les classer de telle sorte qu’elles se succèdent une fois assemblées en cahier). Votre Tenancier n’est pas un professionnel en matière de typographie et il a de nombreuses lacunes dont il a bien conscience. Il garde par devers lui les fichiers de ses petits travaux, se réservant la possibilité d’améliorer ses exemplaires.
Restent les plaisirs variés de la mise en page, du suivi de l’impression, du découpage des pages (pas de massicot : règle métallique et cutter !), leur assemblage et, pour la première fois, la confection d’une couverture avec un dos carré/collé. On ne sait si cela tiendra. Tant pis, le plaisir fut grand et tout à coup on s’ennuya moins.
Et cela fait un livre de plus dans la bibliothèque.
Notons pour finir que, bien sûr, l’ouvrage est destiné à l’usage personnel du soussigné (ad usum Tenancier !) et est donc tiré à un seul exemplaire...