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vendredi 14 août 2015

Sagesse universelle

Au prêt-à-porter du convenu, il est de bon ton de nous refiler le proverbe récipiendaire de la sagesse universelle, le genre de citation qu’on te défend de remettre en question sous peine de passer pour un malpropre, genre la braguette ouverte au repas de la mariée. Il y en a un que je biche particulièrement, c’est : « Quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Quand tu vois la légion de connards, d’abrutis sentencieux, de « braves gars » aux opinions dégueulasses, d’indigents de la pensée qui peuplent l’univers proche, tu te dis qu’à ce compte-là c’est seulement la collection complète de Oui-oui qui risque l’autodafé.
Et que l’on ne vienne pas m’expliquer que ce proverbe illustre l’oralité de la transmission du savoir. La sottise et l’à-peu-près empruntent les même voies (et les mêmes voix aussi). Pour un Homère du terroir tu as des centaines de salopards qui ont remplacé l’intelligence, la culture par la « dignité » et la « morale » tout en continuant leurs petites cochoncetés.
D’ailleurs que penser de ceux qui approuvent ces pompeuses sentences ?

jeudi 29 mai 2014

Retour en 1898

Portrait par Félix Vallotton
Citoyens,
On vous trompe. On vous dit que la dernière Chambre composée d'imbéciles et de filous, ne représentait pas la majorité des électeurs. C'est faux.
Une chambre composée de députés jocrisses et de députés truqueurs représente, au contraire, à merveille les électeurs que vous êtes. Ne protestez pas: une nation a les délégués qu'elle mérite.
Pourquoi les avez-vous nommés ?
Vous ne vous gênez pas, entre vous, pour convenir que plus ça change, et plus c'est la même chose, que vos élus se moquent de vous et ne songent qu'à leurs intérêts, à la gloriole ou à l'argent.
Pourquoi les renommez-vous demain ?
Vous savez très bien que tout un lot de ceux que vous enverrez siéger vendront leurs voix contre un chèque et feront le commerce des emplois, fonctions et bureaux de tabac.
Mais pour qui les bureaux de tabac, les places, les sinécures si ce n'est pour les Comités d'électeurs que l'on paye ainsi ?
Les entraîneurs des Comités sont moins naïfs que le troupeau.
La Chambre représente l'ensemble.
Il faut des sots et des roublards, il faut un parlement de ganaches et de Robert Macaire pour personnifier à la fois tous les votards professionnels et les prolétaires déprimés.
Et ça, c'est vous !
On vous trompe, bons électeurs, on vous berne, on vous flagorne quand on vous dit que vous êtes beaux, que vous êtes la justice, le droit, la souveraineté nationale, le peuple-roi, des hommes libres. On cueille vos votes et c'est tout. Vous n'êtes que des fruits... des Poires.
On vous trompe encore. On vous dit que la France est toujours la France. Ce n'est pas vrai.
La France perd, de jour en jour, toute signification dans le monde, toute signification libérale. Ce n'est plus le peuple hardi, coureur de risques, semeur d'idées, briseur de culte. C'est une Marianne agenouillée devant le trône des autocrates. C'est le caporalisme renaissant plus hypocrite qu'en Allemagne : une tonsure sous le képi.
On vous trompe, on vous trompe sans cesse. On vous parle de fraternité, et jamais la lutte pour le pain ne fut plus âpre et meurtrière.
On vous parle de patriotisme, de patrimoine sacré à vous qui ne possédez rien.
On vous parle de probité; et ce sont des écumeurs de presse, des journalistes à tout faire, maîtres fourbes ou maîtres chanteurs, qui chantent l'honneur national.
Les tenants de la République, les petits bourgeois, les petits seigneurs sont plus durs aux gueux que les maîtres de régimes anciens. On vit sous l'oeil des contremaîtres.
Les ouvriers aveulis, les producteurs qui ne consomment pas, se contentent de ronger patiemment l'os sans moelle qu'on leur a jeté, l'os du suffrage universel. Et c'est pour des boniments, des discussions électorales qu'ils remuent encore la mâchoire, la mâchoire qui ne sait plus mordre.
Quand parfois des enfants du peuple secouent leur torpeur, ils se trouvent, comme à Fourmies, en face de notre vaillante armée... Et le raisonnement des lebels leur met du plomb dans la tête.
La Justice est égale pour tous. Les honorables chéquards du Panama roulent carrosse et ne connaissent pas le cabriolet. Mais les menottes serrent les poignets des vieux ouvriers que l'on arrête comme vagabonds !
L'ignominie de l'heure présente est telle qu'aucun candidat n'ose défendre cette Société. Les politiciens bourgeoisants, réactionnaires ou ralliés, masques ou faux-nez, républicains, vous crient qu'en votant pour eux ça marchera mieux, ça marchera bien. Ceux qui vous ont déjà tout pris vous demandent encore quelque chose :
Donnez vos voix, Citoyens !
Les mendigots, les candidats, les tire-laine, les soutire-voix ont tous un moyen spécial de faire et refaire le Bien public.
Écoutez les braves ouvriers, les médicastres du parti : ils veulent conquérir les pouvoirs... afin de les mieux supprimer.
D'autres invoquent la Révolution, et ceux-là se trompent en vous trompant. Ce ne seront jamais les électeurs qui feront la Révolution. Le suffrage universel est créé précisément pour empêcher l'action virile. Charlot s'amuse à voter...
Et puis quand même quelque incident jetterait des hommes dans la rue, quand bien même, par un coup de force, une minorité ferait acte, qu'attendre ensuite et qu'espérer de la foule que nous voyons grouiller : la foule lâche et sans pensée.
Allez.! allez, gens de la foule ! Allez, électeurs ! aux urnes... Et ne vous plaignez plus. C'est assez. N'essayez pas d'apitoyer sur le sort que vous vous êtes fait. N'insultez pas, après coup, les Maîtres que vous vous donnez.
Ces Maîtres vous valent, s'ils vous volent. Ils valent sans doute davantage : ils valent vingt-cinq francs par jour, sans compter les petits profits. Et c'est très bien :
L'Electeur n'est qu'un Candidat raté.
Au peuple du bas de laine, petite épargne, petite espérance, petits commerçants rapaces, lourd populo domestique, il faut un Parlement médiocre qui monnaie et qui synthétise toute la vilenie nationale.
Votez, électeurs ! Votez ! Les parlements émanent de vous. Une chose est parce quelle doit être, parce qu'elle ne peut pas être autrement. Faites la Chambre à votre image. Le chien retourne à son vomissement - retournez à vos députés...


Zo d'Axa : Vous n'êtes que des poires, in : La Feuille (1898)

(Et pour continuer les lectures réjouissantes, nous vous incitons à vous rendre sur la page indiquée par un de nos lecteurs, Karl-Groucho D.  : Le Gouvernement du Peuple, ou Plan de constitution pour la République universelle par John Oswald.)

samedi 24 mai 2014

On sait ce qu'on y perd...

Rien ne change et tout change. Ainsi, votre Tenancier s’occupe toujours de livres même s’il s’apprête sous peu à ne plus le faire sous la forme qui lui était coutumière (mais il ne sait trop encore comment cela va rebondir… on verra bien). Toujours est-il qu’il cause « livres » sur différents médias et donc sur Facebook où il lui arrive de fréquenter un aussi beau linge que céans. Il est vrai que votre serviteur fait gaffe de choisir ses potes. Et il fait bien. Mais, vous savez ce que c’est, les amis de nos amis, hein…
Tenez, l’autre fois, une copine que j’aime beaucoup relaie un message de blogue sur le fameux Petit manuel du parfait aventurier, de Mac Orlan. Pensez si je biche, car non seulement j’apprécie l’auteur mais j’adule ce petit texte au point que j’ai réussi à me procurer le volume des Éditions de la Sirène (1920) à une époque d’opulence.
Seulement, le billet avait l’air de présenter cet ouvrage comme étant de 1951. Pour être honnête, retranscrivons ce que nous avons pu lire dans ce billet :
« Le petit manuel du parfait aventurier est paru à la suite de l’édition de 1951 du recueil de brèves nouvelles grinçantes, La Clique du Café Brebis, une édition ultime ( ?) et, à la même époque, l’entré de Pierre Mac Orlan à l’Académie Goncourt ».
On admettra qu’une lecture hâtive pouvait amener à la même conclusion que la mienne : l’auteur du billet avait dégainé un peu vite. Je me fendis donc d’un commentaire en dessous du lien — accompagné de la couverture de mon exemplaire — se demandant ce que je devais faire de mon livre, entendant par là que je possédais sans doute un exemplaire uchronique. Je ne m’étalerai pas sur l’échange qui en a suivi et qui fut fort pénible car il s’est avéré que je touchais plus à la dignité offensée qu’au sérieux bibliographique. Cela aurait pu en rester là et j’avais d’ailleurs fais un pas dans ce sens, malgré le fait que l’on insinuait chez moi une disposition belliqueuse. Et là, cher lecteur qui me connaît, tu sais à quel point je peux l’être, c’est dire la retenue dont je fis preuve puisque je tentais par deux fois de « briser là ».
Mais voilà, on ne peut rien faire contre l’acharnement et voici in extenso l’amendement que je découvris dans le même billet :
« Pour faire suite à l'indignation d'un libraire érudit autant que tonitruant, je précise qu'il s'agit de cette édition. N'ayant pas de volume antérieur comme je le signale en tête de page, et ayant rédigé cette courte notule uniquement dans l'objectif de porter à la connaissance des amateurs une conception amusante de la profession de romancier, je n'ai pas pensé à chercher la date exacte de parution originale de ce texte amusant. Toutefois, après vérification soigneuse, j'affirme n'avoir jamais prétendu qu'il s'agissait de la date de parution originale. Je suis navrée si mes paroles ont pu être interprétées autrement et regrette de m'être mal exprimée. »
On pourrait répondre à l’auteur que ces qualificatifs sont outrés concernant ma personne, mais il l'étaient bien plus sur Facebook. Il est d’ailleurs difficile d’être tonitruant par écrit. Le souci se situe dans le manque de suite de l’auteur de ce blogue qui aurait peut être dû faire attention au reste de ses propos puisque juste au-dessus de la remarque me concernant il est écrit « Ce manuel date de l’âge d’après la Seconde Guerre Mondiale […] ». On pointera l’inconséquence du propos qui, niant avoir écrit une chose d’un côté, s’empresse de la confirmer de l’autre. J’en déduis donc que mon exemplaire du livre est bien uchronique ou alors que l'auteur du billet avait manqué quelque chose...
La profession de foi de ce blogue-là est paraît-il de partager, c’est du moins ce qui est indiqué en dessous de son titre. Comme on aurait pu dire dans les bousbirs chers A Mac Orlan : on sait ce qu’on y perd, mais on sait pas ce qu’on y trouve