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jeudi 13 mai 2021

Note de service

Il est signalé à une certaine relieuse professant des idées de merde (« Grand Remplacement » et conneries de ce genre) qu’elle n’est pas la bienvenue dans sa fréquentation du présent blog — ce que nous avons découvert d’une façon fortuite et en réaction à une Historiette de Béatrice. Donc, nous la prions de se prendre par la main et d’aller se promener ailleurs. On peut d’ailleurs lui conseiller quelques lieux dignes jadis d’Ophélie, cela nous fera des vacances, à nous qui détestons les geignards. De plus, il existe assez de crétins fascisants dans les métiers du livre pour la combler.

dimanche 17 mai 2020

Les aventures du petit Proudhon contre le judéo-bolchevisme


On s’est permis de reprendre cette image qui circule sur des réseaux sociaux et que l’on attribue à coup sûr à Michel Onfray, préfaçant le livre sur Proudhon par Thibault Isabel (le « philosophe bisontin » est apprécié par nos amis les fascistes). Si l’on concevait quelques doutes sur les fidélités politiques de l’homoncule médiatique, on s’en affranchit désormais avec aisance à la lecture de cette petite ignominie. Rien ne l’excuse. Même un imbécile possède encore la ressource de se taire…

jeudi 21 novembre 2019

Oui, eh bien, il y a livre et livre, hein...

Il y a peu, dans des circonstances que je ne me suis pas donné vraiment la peine d’approfondir, un groupe d’étudiants a déchiré ou abîmé un certain nombre de livres dont l’auteur était François Hollande. Le nom de ce dernier importe peu, d’ailleurs, tant la médiocrité d’un personnage politique se révèle interchangeable… Je ne me pencherai pas non plus sur la revendication étudiante qui, si elle me semblait justifiée, ne s’en prenait en réalité qu’au piètre représentant d’un système au bout de sa représentation. Bien évidemment, votre serviteur s’est posé des questions sur cette histoire de destruction de livres. D’abord, qu’un libraire put se plaindre que l’on s’en prenne à la marchandise, mise à disposition par l’éditeur en prévision de la signature de l’insignifiant pantin politique, pourrait paraître logique. Tout volume endommagé n’est par forcément remboursé par les assurances, et il semble bien que le libraire, en effet, fasse tintin, à ce sujet. Nous sommes quelques-uns à estimer que la librairie est devenue un métier encore plus périlleux avec la généralisation des sites sur internet. Pour autant, la survie impose-t-elle qu’on s’autorise à vendre n’importe quoi sans en risquer le contrecoup ? Si le libraire en question est en accord avec les idées exprimées par l’auteur, espérons qu’il assumera les effets de la colère étudiante par solidarité militante. S’il est en désaccord et qu’il a tenté de vendre ces ouvrages par pur esprit mercenaire, on songera alors que se plaindre d’un tel incident est certes de bonne guerre pour s’assurer de la sympathie… hors ceux qui réprouvent la logique marchande consistant à vendre n’importe quoi. Enfin persiste la question de l’acte de destruction du livre, procédé qui suscite l’anathème en raison de ses réminiscences historiques. Il faudra tout de même un jour s’interroger, savoir si ce genre de merde fait partie des livres. De ce côté du clavier, l’on a fait son camp depuis pas mal de temps. Ce gâchis de papier est voué à l’obsolescence rapide et les étudiants ont seulement accéléré le processus. L’on agrée également que le métier de libraire s’arrange de quelques compromis, que l’on soit obligé de vanter des livres avec lesquels on se trouve en désaccord. Mais le curseur entre le compromis et la compromission réside dans l’éthique de la profession : celui de promouvoir des œuvres, de favoriser la culture, même si celle-ci peut se trouver en désaccord avec soi-même. Il nous est arrivé de proposer des saloperies déplaisantes, de réprouver les livres qui figuraient dans les rayonnages. On débitait tout de même ces écrivains puants, comme Céline, parce qu’il n’est pas du ressort d’un vendeur de faire un choix, tout au plus d’orienter sa clientèle. Celui-ci est devenu plus facile dès lors que l’on s’est retrouvé à son compte, et d’en payer éventuellement les conséquences. Mais ces « livres politiques », ces professions de foi à la con, cette duperie mise en page par le moindre homoncule politicard, pourquoi les appelle-t-on des livres ? Cette logorrhée dégoûtante — de quelque bord que ce soit —, parfois écrite avec les ressources lexicales d’un clébard, se révèle des « coups » opérés par des éditeurs qui ont pris la place des organes de presse. Rassurons-nous : la dévalorisation du livre va bon train. Bientôt, ces sinistres personnages s’apercevront que leurs mensonges publiés sous cette forme ne recèlent plus aucun prestige. Enfin, l’on sait bien que cet épisode de destruction, comme on l’a dit plus haut, rappelle d’autres faits plus inquiétants, plus fâcheux — plus fachos, aussi —, mais j’aurais quelques scrupules personnels à comparer le sort d’une caisse de merdes politicardes arrosées de café avec le bûcher confectionné à l’aide de livres de Zweig, Walter Benjamin, Heinrich et Klaus Mann, etc.
Mais je suis sûrement de mauvaise foi.

samedi 28 septembre 2019

Du bruit et des odeurs

Tous le monde y pue,
Y sent la charogne,
Y a que l'grand Babu
Qui sent l'eau d'cologne
Tous le monde y pue,
Y fait mal au cœur,
Y a que l'grand Babu qu'a la bonne odeur

(Hymne des Babus)

vendredi 8 février 2019

État de la misère, prémonition du « Mooc »...

Plus sérieux, et donc plus dangereux, sont les modernistes de la gauche […] qui revendiquent  une « réforme de structure de l’université », une « réinsertion de l’Université dans la vie sociale et économique », c'est-à-dire son adaptation aux besoins du capitalisme moderne. De dispensatrices de la « culture générale » à l’usage des classes dirigeantes, les diverses facultés et écoles, encore parées de prestiges anachroniques, sont transformées en usine d’élevage hâtif de petits cadres et de cadres moyens. Loin de contester ce processus historique qui subordonne directement un des derniers secteurs relativement autonome de la vie sociale aux exigences du système marchand, nos progressistes protestent contre les retards et défaillances que subit sa réalisation. Ils sont les tenants de la future Université cybernétisée qui s’annonce déjà ça et là. Le système marchand et ses serviteurs modernes, voilà l’ennemi.


(1966, pour le texte d'origine)

dimanche 26 août 2018

Que serait l'existence sans un peu de repentir ?

Oui, bon, d’accord, Le Tenancier est un acrimonieux, un rancunier impavide, c’est un lâche qui tire sur une ambulance. Tout de même, il réside en lui un fond d’humanité puisqu’il ne veut nullement la mort du personnage décrit dans son précédent billet, ou alors le plus tard possible ! En effet, votre Tenancier biche à l’idée que cette vie, médiocrement parcourue, soit longue et exacerbée de sa substance consciente et non comme le prolongement indolent à la médiocrité habituelle dont il semble coutumier. Une sorte de charité nous anime, ainsi que le goût de l’expérimentation, dans l’évocation de cette perspective. Ce con possède une qualité tellurique, une pérennité que nous regretterions de voir s’achever à la manière d’un James Dean cacochyme dans le fracas des tubulures de sa chaise roulante. Nous espérons pour lui un destin autre et sans doute héroïque bien qu’un peu passif, celui qui le destinerait au visionnage infini de son existence de série B, révisée à la manière d’un bonus de DVD.
La charité nous perdra.

jeudi 23 août 2018

Un expert éminent

C’était l’époque des vidéocassettes et du doigt en embuscade sur le magnétoscope pour déclencher l’enregistrement sans choper la pub. Nous visitions alors un expert en série télé qui nous prodigua l’aumône du visionnage d’un extrait en exclusivité où, un personnage en scaphandre sortait d’échafaudages. Ceux-ci, après un suspense insoutenable entretenu par le maître des lieux, se révélèrent quelques bribes, non habillées par les effets spéciaux, d’un film de SF, dont notre cicérone ne manqua pas de souligner le budget pharaonique (énoncé avec le phrasé d’un bonus de blockbuster : incrédibeule !). De sartrien, il en possédait le regard, résultat hasardeux du magnétoscopage, qui veillait à la fois sur la télécommande et les pages de Téléstar. Une pièce de son appartement était emplie de rayonnages métalliques, garnis eux-mêmes de cassettes vidéo, alignements noirs comme une bibliothèque de Borniol. Ainsi, l’on nous y enseigna l’existence de séries télévisées complètes que ce vieux garçon énumérait pour notre édification de béotien tout en nous versant un alcool infect… On peut rester vieux garçon même en couple, le cas se révélait ici. Au moins, le compagnon s’annonçait moins turbulent, plus aimable. Inchangés, les clichés confèrent désormais à l'expert une aura attristée, comme l’expression d’un naufrage. Au fait, la boisson était réellement dégueulasse. Le bar, érigé dans un coin de la salle à manger, ressemblait à celui d’une paillote illégale, celle que l’on trouve généralement près de la bouche du collecteur, pas loin de la baraque à frites. Je ne peux plus voir une bouteille de Malibu sans y penser. Le garçon vivait avec sa maman, dans un rapport que l’on peinerait à songer qu’il fut de bonne intelligence, faute de son ingrédient essentiel. On ne rend jamais assez hommage aux mères, même si les rejetons y reportent leurs turpitudes. C’était ici le cas. Le Tenancier, un peu vicelard, demanda au garçon s’il avait regardé la série complète des cassettes de Dallas qui occupait un sacré pan de mur de la salle à manger. Que non, se récria-t-il, c’était pour sa maman… L’expert continua ses énumérations, nous abreuva de projets cinématographiques et télévisuels à coups de millions de dollars de budget. Ainsi endurai-je la logorrhée, dont le vocabulaire allait devenir la matière des bonus des DVD de films à deux balles : même la machine à café y était incroyable de talent. Du coin de l’œil, l’alignement des vidéos de Dallas formait une masse ironique dans la lumière déclinante. Du bourdonnement de notre hôte émergeaient encore des superlatifs, l’engourdissement gagnait. Le soleil d’hiver posait son glacis sur la toile cirée. Je m’ennuyais, ne trouvant aucun livre sur lequel détourner mon attention ; le journal télé ne comptait pas. Autour de moi, on s’intéressait, on s’extasiait et, pour ma détresse, on en redemandait. Du malheur d’avoir été poli et, surtout, mal assorti…
Quelques jours plus tard, un réalisateur que j’appréciais pour sa la parole rare et précieuse, passa à la librairie où je travaillais et cette apparition me fit méditer sur le bonheur de se camper parfois au bon endroit, et sur l’intelligence.
La chance, en tout cas, ça va, ça vient.

mercredi 14 février 2018

« Bon à donner aux cochons »

LA SATIRE est une sorte de miroir où, d’ordinaire, chacun reconnaît le visage de tous hormis le sien ; ce qui est la principale raison de la réception qu’elle a dans le monde, où elle n’offense que fort peu de gens. Cependant, s’il en advenait autrement, le danger n’est pas grand ; et j’ai appris par une longue expérience à ne jamais craindre des méfaits, de la part des intelligences que j’ai su provoquer ; car si la colère et la furie ajoutent de la force aux nerfs et du corps, on a pu voir qu’elles relâchent ceux de l’esprit, rendant ses efforts faibles et impuissants.
IL EST  un cerveau qu’on ne saurait faire mousser plus d’une fois : son possesseur fera bien de le rassembler à bon escient et d’user  de sa faible réserve avec parcimonie ; mais avant toute chose, qu’il évite de l’exposer au fouet de ceux qui valent mieux que lui, car cela le fera monter, tout écumant, jusqu’à l’impertinence, et il épuisera rapidement sa réserve ; l’esprit dépourvu de savoir est une sorte de crème, qui en une nuit se rassemble à la surface, et par une main habile sera rapidement fouettée en mousse ; mais, une fois cette mousse écumée et jetée, ce qui apparaît en dessous ne sera bon à rien, qu’à donner aux cochons.

Préface de l’auteur au
RÉCIT
Complet et Véridique
de la
BATAILLE
qui se fit V E N D R E D I dernier
entre les
LIVRES
A N C I E N S et M O D E R N E S
en la
BIBLIOTHÈQUE
Saint-James
par
Jonathan Swift
(Traduction de Jeannie Carlier)
Paris
Les Belles Lettres
1993

jeudi 8 février 2018

« Vous ne croyez quand même pas que je lis ces conneries ? »

— Voyez les choses en face, reprit-il. Je n’augmente pas votre loyer parce que je veux votre peau. Croyez-moi, ça n’a rien de personnel. Même avant que vous preniez ce magasin, son loyer était ridicule. Votre petit copain, Litzauer… mais c’est un crétin qui lui a refilé ce magasin ! Un bail de trente et un an ! Jamais les augmentations des baux de cet immeuble n’ont même seulement essayé de suivre les réalités de l’immobilier commercial en période d’inflation ! Dès que je vous aurai foutu dehors, je démolirai vos étagères et je loue à un restaurant thaï ou à un épicier coréen… Vous avez une idée du loyer que je vais encaisser pour un si bel espace ? Dix mille cinq cents ? Vous rigolez. Dites plutôt quinze mille par mois et le locataire sera heureux de les payer.
— Mais… et moi là-dedans ? Qu’est-ce que je fais ?
— Ce n’est pas mon problème. Je suis bien sûr qu’il y a des coins de Brooklyn ou dans le Queens où vous trouverez le même genre de superficie pour un prix abordable.
— Et qui ira m’y acheter des livres ?
— Qui vient vous en acheter ici ?  Vous êtes un anachronisme ambulant, mon ami. Un dinosaure qui remonte à l’époque où tout le monde savait que la Quatrième Avenue était le paradis du livre. Ces douzaines de librairies, que sont-elles devenues ? Le business a changé. Le poche a miné le livre d’occasion. Les librairies d’occasion sont devenues des reliques du passé, et leurs propriétaires des gens qui partent en retraite ou qui meurent. Les rares qui sont encore en activité arrivent au bout de leurs baux, ou bien alors ce sont de vieux radins qui ont eu la sagesse d’acheter tout l’immeuble dès le début. Vous faites partie d’un monde en voie de disparition, monsieur Rhodenbarr. regardez ! Nous sommes en septembre, l’après-midi est superbe et je suis votre seul client. Ça vous dit quoi, ça, sur votre affaire ?
— Sans doute que je devrais vendre des kiwis, ou des nouilles froides à la sauce de sésame.
— Rendre ce commerce profitable n’est peut-être pas infaisable, dit-il. Vous balancez quatre-vingt-quinze pour cent de ces cochonneries et vous vous spécialisez dans le haut de gamme pour collectionneurs. Un dixième de cette surface vous suffirait. Vous n’auriez plus besoin d’une boutique et pourriez diriger tout ça d’un bureau, voire de chez vous. Mais bon… je ne voudrais surtout pas vous dire comment gérer votre affaire.
— Vous me dites déjà de dégager.
— Parce qu’il faudrait que je vous encourage à poursuivre alors que vous êtes condamné ? Je ne fais pas des affaires pour la beauté de l’art, moi.
— Mais…
— Mais quoi ?
— Vous ne protégez donc pas les arts ? La semaine dernière pourtant, j’ai lu votre nom dans le New York Times. Vous avez fait don d’un tableau lors d’une collecte de fonds au bénéfice de la bibliothèque de New York.
— Sur les conseils de mon comptable, dit-il. Il m’avait expliqué que je paierais ainsi moins d’argent au fisc qu’en le vendant.
— Peut-être, mais vous avez des goût littéraires. Les librairies de ce genres constituent un bien culturel et sont, à leur manière, aussi importantes que la Bibliothèque de New York. Je ne vois pas comment ce point pourrait vous échapper. Collectionneur comme vous l’êtes…
— Investisseur.
— Ça, un investissement ? lui demandai-je en lui montrant C comme Cambrioleur.
— Évidemment, et un bon encore. Les reines  du crime font un malheur en ce moment. A comme Alibi valait moins de quinze dollars quand il a été publié il y a une douzaine d’année de ça. Et vous savez combien, en parfait état et avec sa jaquette, va chercher un exemplaire de ce livre aujourd’hui ?
— De tête, non.
— Dans les quatre-vingt-quinze dollars. Voilà pourquoi j’achète du Sue Grafton, du Nancy Pikard et du Linda Barnes. À la librairie Murder Ink, j’ai un bon de commande permanent pour tous les premiers romans policiers écrits par des femmes. Comment savoir laquelle va décoller ? Les trois quarts d’entre elles n’arriveront jamais à rien, mais en procédant de la sorte, je suis sûr de ne pas rater la perle qui passera de vingt à mille dollars en quelques années.
— En somme, il n’y a que l’investissement qui vous intéresse.
— Exactement. Vous ne croyez quand même pas que je lis ces conneries ?
Je lui tendis sa carte de crédit et son permis, puis je pris son chèque et le déchirai en deux, puis encore en deux.
— Sortez d’ici !
— Qu’est-ce qui vous prend ?
— Rien. Je vends des livres aux gens qui aiment les lire. C’est anachronique, je sais, mais c’est ce que je fais. J’en vends aussi à ceux qui aiment collectionner des éditions rares de leurs auteurs préférés, et sans doute à quelques autres qui, plus intéressés par le visuel, apprécient de beaux ouvrages rangés sur une étagère à côté de la cheminée ? Il n’est même pas impossible que certains de mes clients pensent au côté investissement de la chose, quoique ça ne me paraisse pas être la meilleurs façon de s’assurer une vieillesse confortable. Mais c’est bien la première fois que je tombe sur quelqu’un qui se moque aussi ouvertement de ce qu’il achète et ce quelqu’un, je ne cois pas en vouloir comme client. Il se peut que je n’arrive pas à payer mon loyer, monsieur Stopplegard, mais tant que je tiendrai ce magasin, je sera le seul à dire à qui j’accepte un chèque.
— Vous préférez du liquide.
— Je n’en veux pas non plus.
Je tendis la main vers le livre, mais il s’en saisit avant moi.
— Ah mais non ! s’écria-t-il. Je l’ai trouvé, je le veux. Et vous êtes tenu de me le vendre.
— Mon œil.
— C’est la loi. Je vous colle un procès si vous refusez. Mais nous n’en viendrons pas là, n’est-ce pas ?
Il sortit un billet de cent dollars de son portefeuille et le posa bruyamment sur le comptoir.
— Gardez la monnaie, dit-il. Ce livre, je le prends. Et si vous tentez de m’en empêcher, je vous accuse d’agression.
— Pour l’amour de Dieu, m’exclamai-je, je ne vais pas me battre pour ça ! Attendez un instant que je vous rende la monnaie.
— Je vous ai dit de la garder. Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ? C’est un livre à cinq cent dollars que je viens de vous acheter ! Pauvre idiot ! Vous ne savez même pas la valeur que vous avez en stock ! Pas étonnant que vous n’arriviez pas à payer votre loyer !

Lawrence Block : Le blues du libraire, une enquête de Bernie Rhodenbarr (1994)
Traduit de l'américain par Robert Pépin

vendredi 8 décembre 2017

Ainsi...

Ainsi, puisqu’un personnage qui eût pu, jadis, passer pour un intrigant de salons littéraires, disparaît de la surface de la terre, les gâchettes de la dithyrambe se dévoient encore une fois à l’antenne. Une journaliste, entendue à France Culture, a déclaré que si les Français aimaient Jean d’Ormesson, c’était en quelque sorte pour se racheter d’avoir coupé la tête de quelques aristocrates lors de la Grande Révolution. La manie fâcheuse de tout pardonner aux morts, y compris la médiocrité dont ils on fait preuve dans leur existence anthume, ne va pas jusqu’à ses thuriféraires. La spontanéité, feinte ou non, de la citation expose de toute façon ce qui est en jeu : la rédemption. C’est le maître mot de cette France réactionnaire : les « citoyens français », les « Français », bref cette abstraction chère à une certaine canaille politique, doit expier les péchés de ses pères que sont la Grande Révolution, la Commune, Mai 68… Que l’on aille pas croire que cette réaction soit forcément « de droite », le péché de la Colonisation en arrange beaucoup également, à d’autres bords. Ainsi, dans notre « volonté de nous racheter », nous nous serions attachés aux vérités prudhommesques érigés en profondeurs philosophiques de la part d’un histrion médiatique. Cette littérature émétique, produite à la chaîne, démontre à l’envi la veulerie d’une production éditoriale et le renoncement d’une certaine forme de librairie qui, pour pouvoir bouffer, dispose en pile cette daube littéraire à chaque fin d’année. L’alerte fut chaude mais courte, la médiocrité en chassant une autre, et parce qu’un mort encore tiède vaut toujours mieux qu’un cadavre qui se refroidit, voici que d’Ormesson s’efface déjà. Le vocabulaire change, les acteurs sont les mêmes : les « Français », sont remplacés par le « Peuple », défait, en pleurs et en butte à la compassion de la même racaille politique autour de la mort d’un chanteur. Nous avons eu chaud, la messe solennelle va être remplacée par l’évocation de funérailles nationales… Le pleur des chaumières, à tout prendre, vaut bien une expiation.

jeudi 9 novembre 2017

Mois de novembre, mois maudit...








(Le Tenancier prie l'assistance publique de bien vouloir excuser les fautes et approximations qui émaillent ce document édifiant.)

mercredi 8 novembre 2017

Interro écrite (2)

Dans la série des préceptes idiots, savourons celui-ci :
« Les livres font partie des ces choses rares qui enrichissent ceux qui les achètent. »
À partir de ce postulat, faire la somme de bouquins inutiles, cons, stupides, voire obsolètes qui hantent les défunts catalogues.
Mesurer le taux de fiscalité de cet enrichissement.
Ne pas craindre de citer des noms.

dimanche 5 novembre 2017

Interro écrite

Sachant que, selon le proverbe crétin « Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », faites l'inventaire imaginaire des rayonnages de Gérard de Villiers. 

mardi 3 octobre 2017

C'est l'heure de l'apéro chez votre Tenancier

... et donc un médiocre homme politique arrivé en haut de la chaine alimentaire par un barnum ritualisé, un « homme de culture », paraît-il, va dans sa tournée des popotes, inaugurer un dépôt de chez Amazon. 
Que l'on s'entende : nul étonnement de la part de votre Tenancier chéri, en tout cas pas au sujet du double-langage supposé de ce spectre libéral. Plutôt de l'amusement de constater cette fascination pour le bizness qui habite le cas consternant, banal, d'un homme arrivé au pouvoir nonobstant sa médiocrité. On se croirait revenu aux années quatre-vingt. Mais il amuse votre Tenancier autant que la vénération de l'électeur social-démocrate pour sa soi-disant autonomie. On a l'illusion à la mesure de ses moyens et de son imaginaire : tantôt la foi dans le Marché, tantôt dans la Citoyenneté, tout ceci soluble dans la médiocre agitation des médias.
Nous allons boire notre apéro pendant votre grand sommeil.

mardi 7 mars 2017

Pause qui pourrait durer, si...

A l'heure où un nombre conséquent de crétins prétend régenter nos existences au terme d'une farce électorale, considérant que l'attrait pour le présent blog s'amenuise en ces périodes et, de plus, se trouvant fatigué de toutes ces conneries, le Tenancier se vote une pause.
Après, elle pourrait fort bien durer s'il s'avère qu'un parti fasciste accède au pouvoir en France. Il serait à partir de ce moment-là, impossible de faire comme si de rien n'était et de donner des gages de normalité à des gens pour lesquels le soussigné voue un dégoût viscéral.
Cinq ans de vacances, c'est presque autant que sous l'Occup' !...
À bientôt, j'espère.

jeudi 20 octobre 2016

L'ombre d'un phocomèle

Il est un moment où l’attrait d’un écrivain est proportionnellement inverse à sa notoriété. Plus il est connu plus on regrette de devoir le partager, de voir l’intimité patiemment acquise au fil des lectures s’effilocher devant une reconnaissance plus étendue. Le fait est bénin dès lors qu’il s’agit d’un cercle de connaisseurs. Cela devient plus cruel lorsque la référence s’étend vers les médias culturels où les risques de dissonance sont plus nombreux. On sombre bientôt dans le ridicule quand les médias de divertissement en font une référence « incontournable » en présentant un ersatz passablement dénaturé d’une production originelle. Le nom n’est plus la signature d’ouvrages mais une marque inséré dans un commentaire invariablement promotionnel. C’est ce qui est arrivé à Philip K. Dick depuis pas mal de temps. Qu’est-ce qui pouvait différencier Dick d’autres auteurs diablement autant exigeant que Ian Watson, J.-G. Ballard ou Samuel R. Delany ? À l’époque où la réputation de Dick ne dépassait pas les bornes de la SF, mais à une époque où la SF représentait une alternative littéraire au roman bourgeois (sous les vocables de Speculative Fiction, de New Thing, et d’autres encore…), la SF était suivie par un large lectorat, affranchit un temps des cloisonnement que les fans allaient s’ingénier à refermer par la suite. La confrontation avec les autres genres littéraires était courante. À ce titre, Philip K. Dick n’était déjà plus un inconnu pour tout le monde et c’est vers cette période — entre le milieu des années 70 et celui des années 80 — que sont parus en France des œuvres importantes. Mais il n’était pas le seul dans ce cas. Il ne s’agit pas ici d’essayer de répondre avec assurance sur la raison de la célébrité de Dick au détriment de certains contemporains aussi valables. Les univers des auteurs cités plus haut ne semblent pas convenir au lectorat actuel, du moins à une large frange. Dick plaît, et pour le malheur de ses thuriféraires (dont je fus longuement) sa popularité dépasse largement son lectorat étendu et principalement parce que l’on n’a pas lu ses écrits. La raison est bien entendu le cinéma. On a adapté ses textes, en plus grandes proportions que Watson, Ballard et Delany réunis. Le cinéma a ceci de particulier qu’il peut difficilement respecter le propos d’un auteur (et ce n’est pas propre à la SF). Même Blade Runner, adulé par le public de cinéma, déconcerterait ce dernier si l’ouvrage originel leur parvenait sous les yeux. Que dire des merdes soi-disant adaptées d’autres romans ou nouvelles de Philip K. Dick… seul A Scanner Darkly nous semble respectable au milieu de cet océan de veulerie pelliculaire. Et encore, nous demandons à le revoir. Mais là aussi, il importe relativement peu que notre auteur ait été adapté plus ou moins fidèlement et que le produit soit médiocre ou non. Il arrive un moment où la popularité atteint un moment de non-retour, lorsque la télévision nous sert de ces émissions de nature émétique qui veulent nous présenter un panorama de la science-fiction audiovisuelle et où, annoncé comme une sorte de caution intellectuelle, on cite le nom de Philip K. Dick. Avouons-le : la dernière fois que c’est arrivé je n’étais plus surpris par la viduité du propos mais encore étonné que cela perdure. La première fois que j’avais entendu le nom de Dick prononcé comme un triomphe au milieu d’un discours acculturé, c’était dans les années 80 au cours d’un reportage pour l’émission Temps X. Là non plus je n’avais pas été particulièrement étonné car, connaissant le commentateur, je savais parfaitement que la seule chose qu’il était capable de lire et de comprendre était la notice de son lecteur de cassettes vidéo. La « novation » fut rude, le commentateur un niais. Que tout critique de téloche ou de cinéma de SF soit un imbécile, n’est pas certain et même pas admissible. La première crotte n’annonce pas forcément le choléra. Pour autant, le manque de ressources littéraires dans ce milieu inquiète toujours… À croire que ceux qui recrutent ces éléments ont une notion plus que sommaire de la culture, fut-elle populaire, et cela depuis des décennies.
Que faire lorsque l’on a aimé un auteur au point de lire systématiquement tout ce qui a pu paraître de lui (un peu moins sur lui, on est peu porté à l’exégèse quand on est jaloux) et que l’on est confronté à de telles indigences au fil des années ? La réponse n’est pas claire. On s’éloigne du sujet de son affection, la plupart du temps. On lève un sourcil paresseux à l’évocation, comme d’un engouement ancien. Plus question d’y retourner avec la même passion. Les vieilles maîtresses sont décevantes. Toutefois, on ne peut s’empêcher de regretter ce naufrage entretenu par l’impéritie. On finit par en sourire, non avec indulgence, mais par l’effet d’une certaine cruauté devant l’enthousiasme frelaté à propos d’un auteur deux fois mort, la deuxième fois par le fait d’un ignare ou de l’un de ses continuateurs.
Peut-être est-ce une chance pour les autres auteurs précités d’avoir échappé à cela. Certains d’entre eux ont affaire à des contempteurs issus du cénacle de la SF dont quelques uns, pour leur confort intellectuel, aimeraient bien les extirper (le souvenir récent et affligeant d’une critique de Ian Watson qui se résumait à un « Je n’y comprends rien » est à ce titre une perle à ranger à côté des productions télévisuelles que l’on évoque ici). Au moins cette sottise est circonscrite, d’autant qu’il se trouve d’autres personnes pour défendre ces auteurs-là. La SF qui eut la chance de se manifester hors du cadre de ses fans y est retournée pour le meilleur et pour le pire. Pour ce qui me concerne, je me suis éloigné depuis longtemps de ce milieu. Je constate toutefois son dévoiement continu, par des gens qui n’ont pas l’air de savoir de quoi ils parlent. Mais, ça, c’est les médias, coco… Du reste, immanence du vide, allez savoir, le chroniqueur de Temps X continue de se prendre au sérieux et en photo de temps en temps sur Hollywood Boulevard. C’est rassurant quelque part : pas besoin de savoir lire pour voir du pays, avoir des habitudes de fossoyeur suffisent.
Il m’arrive de loin en loin de relire du Dick, de ne pas perdre le contact de la même manière qu’à la lisière du champ visuel on devinerait l’ombre d’un phocomèle… C’est peut-être cela qui permet supporter ce que l’on a fait à un auteur que l’on a aimé : y retourner. Il faut seulement de la patience.

mardi 18 octobre 2016

Bob

Le Prix Nobel de Littérature est attribué à Bob Dylan. Il semble bien que ce prix soit attribué hors la volonté de l’impétrant. Qu’il soit décerné à un chanteur semble en irriter plus d’un. C’est un débat intéressant mais un peu hors sujet. Que l’on qualifie sa production de « littérature » devrait sans doute concerner le point de vue de Bob Dylan d’abord, dont on se demande d’ailleurs s’il s’en est réclamé au cours de sa carrière pour ce qui concerne ses chansons. En revanche que le comité Nobel décerne son prix au nom de la littérature devrait effectivement poser problème si on ne se rappelait soudainement une chose élémentaire : les prix servent à mettre un beau bandeau autour du livre et à faire vendre une camelote, distinguée comme à un comice agricole (ainsi au bœuf l’on accroche une médaille ou une cocarde). À se demander autrement à quoi cela peut bien servir — mais vous pouvez toujours envoyer la récompense, cela dit. On s’interroge alors sur le nombre de personnes imputant à Bob Dylan ce qui est de la responsabilité du comité Nobel sauf, peut-être une haine un peu rance et un goût pour l’apparat bafoué, une rancune de cocu, en somme. On a lu un « Pouah, pourquoi pas le Goncourt à Johnny Hallyday ? »… Eh bien oui, pourquoi pas. Où a-t-on vu que les prix littéraires avaient un rapport avec la littérature ?
Quant à votre Tenancier, il va continuer d’apprécier Dylan (et, au fait, procurez-vous la traduction de ses chansons par Robert Louit et Didier Pemerle !) et n’hésitera pas à palper le pognon si jamais il a un prix, ce qui serait très étonnant.