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mardi 31 octobre 2017

10/18 — Jean-Michel Palmier : Présentation d'Herbert Marcuse




Jean-Michel Palmier

Sur Marcuse


n° 420

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume simple

183 pages (192 pages)
Dépôt légal : 1er trimestre 1969
Achevé d'imprimer : 16 mai 1969


(Contribution du Tenancier)
Index

samedi 12 juillet 2014

Pas d'affolement, tout est sous contrôle...

La société industrielle récente n’a pas réduit, elle a plutôt multiplié les fonctions parasitaires et aliénées (destinées à la société en tant que tout, si ce n’est à l’individu). La publicité, les relations publiques, l’endoctrinement, le gaspillage organisé ne sont plus désormais des dépenses improductives, ils font partie des coûts productifs de base. Pour produire efficacement cette sorte de gaspillage socialement nécessaire, il faut recourir à une rationalisation constante, il faut utiliser systématiquement les techniques et les sciences avancées. Par conséquent, la société industrielle politiquement manipulée a presque toujours comme sous-produit un niveau de vie croissant, une fois qu’il a surmonté un certain retard. La productivité croissante du travail crée une surproduction grandissante (qui est accaparée et distribuée soit par une instance privée soit par une instance publique) laquelle permet à son tour une consommation grandissante — et cela bien que la productivité tende à se diversifier. Cette configuration, aussi longtemps qu’elle durera, fera baisser la valeur d’usage de la liberté ; à quoi bon insister sur l’autodétermination tant que la vie régentée est la vie confortable et même la « bonne » vie. C’est sur cette base rationnelle et matérielle que s’unifient les opposés, que devient possible un comportement politique unidimensionnel. Sur cette base, les forces politiques transcendantes qui sont à l’intérieur de la société sont bloqués et le changement qualitatif ne semble possible que s’il vient du dehors.
Refuser l’État de Bien-Être en invoquant des idées abstraites de liberté est une attitude peu convaincante. La perte des libertés économiques et politiques qui constituaient l’aboutissement des deux siècles précédents, peut sembler un dommage négligeable dans un État capable de rendre la vie administrée sûre et confortable. Si les individus sont satisfaits, s’ils sont heureux grâce aux marchandises et aux services que l’administration met à leur disposition, pourquoi chercheraient-ils à obtenir des institutions différentes, une production différente de marchandises et de services ? Et si les individus qui sont au préalable conditionnés dans ce sens, s’attendent à trouver, parmi les marchandises satisfaisantes, des pensées, des sentiments et des aspirations, pourquoi désireraient-ils penser, sentir et imaginer par eux-mêmes ? Bien entendu, ces marchandises matérielles et culturelles qu’on leur offre, peuvent être mauvaises, vides et sans intérêt — mais le Geist et la connaissance ne fournissent aucun argument contre la satisfaction de besoins. 

Herbert Marcuse : L'homme unidimensionnel (1964)