Affichage des articles dont le libellé est Technique. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Technique. Afficher tous les articles

samedi 9 mars 2024

Faune


Faune
de Alice Savoie, une commande publique d'un caractère typographique
(À regarder « plein écran »)


« Le caractère typographique Faune dessiné par Alice Savoie a été lancé en janvier 2018 au ministère de la Culture. Il résulte d’une commande du Centre national des arts plastiques en partenariat avec l’Imprimerie nationale. Un appel à candidature a été publié fin 2017 pour lequel une trentaine de dossiers ont été reçus. Trois ont été sélectionnés afin de proposer un projet de caractère typographique qui s’inspirait des savoir-faire et du patrimoine de l’atelier du Livre d’art et de l’Estampe de l’Imprimerie nationale. Le projet d’Alice Savoie a été choisi par un jury de professionnels pour la qualité de sa proposition et pour sa cohérence globale. Le design du caractère typographique Faune s’inspire de deux ouvrages majeurs consultés lors de la visite de l’Atelier du Livre d’art et de l’Estampe de l’Imprimerie nationale, de ses riches collections d’ouvrages et de son cabinet des poinçons : l’Histoire naturelle de Buffon et la Description de l'Égypte, commandés par l’Empereur Napoléon 1er. L’attention d’Alice Savoie s’est portée sur les reptiles, les oiseaux et les mammifères, trois classes d’animaux aux morphologies contrastées qui lui ont inspiré les formes typographiques du Faune. Ainsi, la vipère fine et sinueuse a inspiré le dessin d’une version très fine, le bélier trapu a dicté les formes du gras, tandis que l’ibis noir a fait naître le dessin très singulier de l’italique. Ces trois versions de titrage ont ensuite, grâce aux outils numériques été complétées par trois versions intermédiaires adaptées à la composition de textes. En résulte une famille de caractère hybride, inventive et singulière qui s’inscrit dans les usages les plus contemporains. Pour compléter ce projet résolument inspiré du règne animal et lui donner une dimension ludique l’illustratrice Marine Rivoal a dessiné avec la technique de la calligraphie, un bestiaire contemporain. Le caractère Faune, accompagné de toutes ses études préparatoires, croquis, dessins, maquettes et fichiers numériques a rejoint la collection du Cnap. Cet ensemble passionnant décrit pas à pas le processus qui a été celui d’Alice Savoie pour imaginer cette famille typographique. »
En téléchargement sur :
https://www.cnap.fr/sites/faune/
(Notice sur la chaîne Youtube)

mercredi 11 avril 2018

Tiré à part

Sans être concierge, on peut avoir l'esprit d'escalier. Ainsi, l'évocation de l'émission Apostrophe au dernier billet (resté jusqu'alors dans les limbes des publications du blog Feuilles d'automne en juin 2009), évoqua irrésistiblement à mon esprit, et par comparaison, la remarquable série d'émissions Un Siècle d'Écrivains, de Bernard Rapp. De cette remembrance je tirai le nom de son inspirateur et le fait qu'il fit quelques films qui eurent une réception parfois mitigée mais cependant point dégradante. De cette petite production, le libraire ne saurait s'abstenir de rappeler que Rapp fit Tiré à Part, histoire d'une machination autour d'un livre, fabriqué à partir d'un faux authentique, à moins que ce ne soit l'inverse. On y voit Terence Stamp incarner un ex agent de renseignement gagnant sa vie dans l'édition et rendre parfois service à ses anciens collègues (court passage où l'on évoque la fabrication d'un faux texte de Lawrence, par exemple). L'on voit également la composition d'une ouvrage sur une linotype. On se passera ici d'une description détaillée du fonctionnement de la machine. On poussera le curieux à se reporter au film pour cela, même si l'on sera privé d'une explication technique.

Cette histoire de machination pour perdre un écrivain ayant commis un crime trente ans auparavant ne doit pas nous faire oublier que le rôle principal est tenu par le livre, également moteur de l'action. Rapp continuait ici d'exprimer sa passion pour ce monde qui, à mon avis le lui rendit bien mal. En tout cas, la nouvelle de sa disparition ne fut guère reçue comme il l'aurait fallu, tant par ses collègues journalistes, que par le monde du livre. Ce billet est une contribution brève et modeste au souvenir d'un amoureux du livre qui sut souvent me faire plaisir à travers les émissions qu'il produisit et par ce film que je revois de temps en temps avec quelque plaisir.
(Bande annonce ici.)

dimanche 4 février 2018

La loi sur le prix du livre

Ce billet, publié sur l'ancien blog Feuilles d'automne en juin 2009, mérite d'être republié ici, car la remise en question du prix du livre est un serpent de mer qui resurgit de temps en temps...

Il y a quelque temps, certains lobbies tentaient de remettre en question la loi sur le prix du livre promulguée en 1981. Sous divers prétextes, il ne s'agissait rien moins que de revenir à des pratiques anciennes qui présidaient alors à la désertification des librairies de détail au profit des grands groupes. Le retour de cette dernière notion est incarné par l'apparition de mastodontes de la vente sur le net. Il va de soi que les récentes tentatives de remise en cause avaient cette provenance pour une bonne part. Ces timides manœuvres, gageons-le, reviendront avec force dès que "les incertitudes" économiques seront un peu éloignées. Là, le discours technocratique reviendra avec quelque force, insistant sur les bienfaits de la concurrence sur le lectorat. On l'a du reste vu chaque fois qu'un groupe d'édition ou de librairie atteignait une certaine taille, n'est-ce pas ?
Mais, qui connait cette loi, appelée improprement "la loi Lang", car des personnes autrement prestigieuses et plus impliquées dans le livre en furent également à l'origine, comme Jérôme Lindon, par exemple ? Durant le très grand nombre d'années où j'ai travaillé dans la librairie de neuf, il m'est souvent arrivé de rencontrer des clients ou même des proches ignorer le contenu de cette loi et, subséquemment, pour quelles raisons elle fut appliquée. Il serait fastidieux d'en énoncer les raisons ici. On le fera sans doute un de ces jours. Ce que je puis dire, c'est que cette loi a donné ses chances à la librairie de neuf traditionnelle. En revanche, si ce métier est exsangue désormais, c'est que la corporation s'est endormie dans une espèce de béatitude malsaine en s'abstenant de développer ses potentialités : sa force de vente, ses réseaux, son implantation, etc. Là aussi, cela fera l'objet d'un autre billet. Une chose encore, j'ai fait mes débuts dans le métier avant cette loi, et je connais la situation avant et après sa promulgation. Je puis dire qu'elle a tout de même sauvé les meubles pendant un certain temps. Je suis pour qu'elle perdure. Je sais également de quoi je parle, ce qui n'est pas souvent le cas lorsque l'on évoque son abolition.
En attendant, voici la loi. Pour une fois que je vous tiens, vous allez finir par la connaître. Il serait temps.
Faites-en votre miel...

La loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre (modifiée par la loi n° 85-500 du 13 mai 1985)

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Art. 1er - Toute personne physique ou morale qui édite ou importe des livres est tenue de fixer, pour les livres qu'elle édite ou qu'elle importe, un prix de vente au public.

Ce prix est porté à la connaissance du public. Un décret précisera, notamment, les conditions dans lesquelles il sera indiqué sur le livre et déterminera également les obligations de l'éditeur ou de l'importateur en ce qui concerne les mentions permettant l'identification du livre et le calcul des délais prévus par la présente loi.

Tout détaillant doit offrir le service gratuit de commande à l'unité. Toutefois, et dans ce seul cas, le détaillant peut ajouter au prix effectif de vente au public qu'il pratique les frais ou rémunérations correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles expressément réclamées par l'acheteur et dont le coût a fait l'objet d'un accord préalable.

Les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l'éditeur ou l'importateur.

Dans le cas où l'importation concerne des livres édités en France, le prix de vente au public fixé par l'importateur est au moins égal à celui qui a été fixé par l'éditeur.

[Loi du n° 85-500 du 13 mai 1985] "Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux livres importés en provenance d'un État membre de la Communauté économique européenne, sauf si des éléments objectifs, notamment l'absence de commercialisation effective dans cet État, établissent que l'opération a eu pour objet de soustraire la vente au public aux dispositions du quatrième alinéa du présent article."

Art. 2 - Par dérogation aux dispositions de l'article 37 (1°) de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, les conditions de vente établies par l'éditeur ou l'importateur, en appliquant un barème d'écart sur le prix de vente au public hors taxes, prennent en compte la qualité des services rendus par les détaillants en faveur de la diffusion du livre. Les remises correspondantes doivent être supérieures à celles résultant de l'importance des quantités acquises par les détaillants.

Art. 3 - Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 1er ci-dessus ne sont pas applicables aux associations facilitant l'acquisition des livres scolaires pour leurs membres.

Elles ne sont pas non plus applicables au prix de vente des livres facturés pour leurs besoins propres, excluant la revente, à l'État, aux collectivités locales, aux établissements d'enseignement, de formation professionnelle ou de recherche, aux syndicats représentatifs, aux comités d'entreprise, aux bibliothèques accueillant du public pour la lecture ou pour le prêt, notamment celles des associations régies par la loi du 1er juillet 1901.

Art. 4 - Toute personne qui publie un livre en vue de sa diffusion par courtage, abonnement ou par correspondance moins de neuf mois après la mise en vente de la première édition fixe, pour ce livre, un prix de vente au public au moins égal à celui de cette première édition.

Art. 5 - Les détaillants peuvent pratiquer des prix inférieurs au prix de vente au public mentionné à l'article 1er sur les livres édités ou importés depuis plus de deux ans, et dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois.

Art. 6 - Les ventes à prime ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 modifiée et de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, que si elles sont proposées, par l'éditeur ou l'importateur, simultanément et dans les mêmes conditions à l'ensemble des détaillants ou si elles portent sur des livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente par courtage, par abonnement ou par correspondance.

Art. 7 - Toute publicité annonçant des prix inférieurs au prix de vente au public mentionné à l'article 1er (alinéa 1er) est interdite hors des lieux de vente.

Art. 8 - En cas d'infraction aux dispositions de la présente loi, les actions en cessation ou en réparation peuvent être engagées, notamment par tout concurrent, association agréée de défense des consommateurs ou syndicat des professionnels de l'édition ou de la diffusion de livres ainsi que par l'auteur ou toute organisation de défense des auteurs.

Art. 9 - Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à l'application, le cas échéant, de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 modifiée relative aux prix, à l'exception toutefois des premier et deuxième alinéas du 4° de l'article 37 de ladite ordonnance.

Art. 10 - Un décret détermine les modalités d'application de la présente loi aux départements d'outre-mer compte tenu des sujétions dues à l'éloignement de ces départements.

[Loi du n° 85-500 du 13 mai 1985] Art. 10 bis - "Un décret en Conseil d'État déterminera les peines d'amendes contraventionnelles applicables en cas d'infraction aux dispositions de la présente loi."

Art. 11 - La présente loi entrera en vigueur à la date du 1er janvier 1982, y compris pour l'ensemble des livres édités ou importés antérieurement à cette date.

Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 1er juin 1983, un rapport sur l'application de la loi ainsi que sur les mesures prises en faveur du livre et de la lecture publique.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.
Fait à Paris, le 10 août 1981.
Journal Officiel (11 août 1981 ; 14 mai 1985)

dimanche 7 janvier 2018

69

C'est avec raison, fierté et joie que nous vous présentons ici-même l'une de nos dernières trouvailles. Luxe inouï que nous nous sommes permis d'acquérir pour la somme d' 1,00 € chez l'un de nos occultes fournisseurs.
Qu'on en juge d'après la photo ci-après :


L'invite est claire, tant pour le sous-titre que le titre. Cet érotisme popote atteint ici un degré qui nous laisse toujours pantois. En effet, selon notre jugement de Tenancier rompu aux enfers, cette image nous rappelle nombre de dargeots mitraillés à longueur de Paris-Hollywood et même de quelques publications sous le manteau qui eurent l'heur de passer sous nos yeux concupiscents. Ici, jamais ne rima mieux « paire de miche » avec « air godiche », évocations troubles d'amours ancillaires ou de voisinages libidineux. Ça sent le quatre heures du serrurier en visite impromptue, le plombier qui fait des extras racontés à l'heure de l'apéritif.
Certes.
Mais cela valait-il pour autant un billet dans ce blog prestigieux ?
C'est que l'ouvrage a un intérêt certain, outre son érotisme d'une moiteur approximative. Il fait partie des rares ouvrages en France à avoir été imprimé tête-bêche. En effet, lorsque nous retournons l'ouvrage, au lieu de trouver le 2e plat de couverture, avec un résumé et parfois la biographie exaltante de l'auteur, nous trouvons la couverture suivante :


Outre que cette photo de couverture illustre bien la célèbre chanson de Ray Ventura et ses Collégiens, on appréciera de nouveau le regard pénétré de l'impétrante.
Ainsi, deux brefs romans sont présentés dans le même ouvrage dans une astuce de mise en page peu courante. Mais pourquoi donc ne trouve-t-on que très rarement ce procédé en matière de publications ?
Assez rigolé, prenons notre ton docte.
Alors, pourquoi ?
Cette façon de publier les ouvrages a existé dans les années 50 aux Etats-Unis, principalement chez l'éditeur Daw Books, éditeur populaire qui mit sur le marché nombre de récits de science-fiction ou policiers voire de témoignages ou faits de société. Pour la petite histoire, c'est sous cette présentation — avec un autre ouvrage d'un autre auteur que la postérité n'a pas retenu — que Junkie de William Burroughs fut publié pour la première fois. Ces ouvrages étaient au format poche. Les récits, des courts romans - appelés « Novellas », chez les Anglo-saxons - se partageaient à peu près 144 à 156 pages. Les illustrations y étaient assez suggestives. Les cinéphiles se rappelleront sans doute la profession de Richard Sherman dans Sept ans de réflexion et auront une idée paroxystique mais assez juste de ce genre de publication (Si vous ne vous souvenez pas, courez le revoir !). Or ce calibre de récit est assez peu prisé dans l'édition en France. La nouvelle a longtemps été regardée comme un genre difficile à vendre pour les éditeurs et le problème de la présentation des ouvrages en tête-bêche se heurtait volontiers au conservatisme des libraires de neuf français. On en veut pour preuve une discussion que le Tenancier eut avec Élisabeth Gille, directrice, à l'époque, de la Collection « Présence du Futur » et qui préparait une collection de courts récits de science-fiction appelée « Étoiles Doubles ». Celle-ci était destinée à l'origine à être présentée de cette manière. Une étude de marché, fit battre immédiatement en retraite l'éditeur et sa Fabrication. Nous eûmes droit à une maquette de couverture ratée, des livres bâtards qui ne se vendirent guère. La collection disparut au bout d'une quinzaine de numéros. L'idée s'était heurtée à la frilosité des vendeurs. Elle aurait sans doute mérité d''être imposée.
Il est sans doute d'autres raisons que le commerce, et que nous ne connaissons pas, au sujet de cette relative rareté. Le Tenancier attend de pied ferme toute matière à codicille au présent billet.
On affirmera sans trop de risques que l'on ne retrouve qu'exceptionnellement deux textes publiés tête-bêche dans le même livre. Sans doute devons-nous la présente curiosité également au fait que ce livre érotique fut une auto-édition. Comme cet ouvrage est encore frais dans nos acquisitions, nous n'avons pas eu le temps de glisser notre nez frétillant dans sa... prose. Mais nous adjugeons ici même notre préjugé favorable à Madame Christine Laurac qui, bravant les diktats du marketing nous fit don d'un in-8° sortant un peu de l'ordinaire...


Christine Laurac : " Les Fureurs de la Chair " : Viens... ! / Sérénade à quatre
Auteur - Éditeur, 1972



Personne ne s'est lancé à donner quelques informations supplémentaires à ce billet lors de sa parution sur le blog Feuilles d'automne en mai 2009. Mais l'histoire comporte tout de même une consolation : l'ouvrage fut offert à Otto. On espère que, depuis, il aura eu le temps de le savourer et peut-être un jour nous en parlera-t-il. Il ne faut jamais manquer l'occasion de s'instruire...

jeudi 9 février 2017

Carnet permanent du livre

ArD et le Tenancier, ici, inaugurent une nouvelle page qui réapparaîtra au gré de ses ajouts. Il s’agit ici d’une recension de sites qui évoquent les techniques du livre. On enjoint nos lecteurs à nous suggérer (dans les commentaires) tout lien menant vers la typographie, la codicologie, la bibliophilie, etc. Chaque ajout (après vérification) sera l’occasion d’une remise en avant de ce billet qui le sera de toute façon périodiquement, histoire de ne pas le perdre de vue...
Derniers ajouts : La part de l'ange & Pointypo (typographie), Reliure et autres explication à Trôo (Reliure)



CODICOLOGIE

CODICOLOGIA
    Essentiellement tourné vers le manuscrit ancien. Comprend un glossaire.



O
RTHOTYPOGRAPHIE


ORTHOTYPOGRAPHIE
    Lexique des règles typographiques françaises.



RELIURE

RELIURE ET AUTRES EXPLICATIONs À TRÔO
    Journal de bord d'une artisan-relieur.


 
TYPOGRAPHIE

LES BIBLIOTHÈQUES DE L'ÂGE DU PLOMB

    Regroupe des catalogues de fonderies et des ouvrages traitant de la typographie.

LA PART DE L'ANGE
    Autour du graphisme et de la typographie.

POINTYPO
    Actualité de la typographie et du graphisme.



Merci de signaler les liens morts

mercredi 4 janvier 2017

Signez ici

Lors de la présentation de l’ouvrage de Raymond Gid, une de nos lectrices assidues (il s'agit en réalité d'ARD, sur le blog Feuilles d'automne, où ce billet fut publié primitivement en février 2009) fit allusion à une mention que j’avais donnée dans le descriptif de l’ouvrage, à savoir qu’il avait été justifié par l’auteur. A juste titre, elle s’interrogeait sur le fait que la justification que je donnais ne concernait pas le contenu. En fait, en d’autres termes, il apparaissait que la disposition de la typo n’était pas alignée à droite ou à gauche — ou bien les deux —, c’est à dire justifiée, selon les termes du métier.


La justification de tirage de « Comptine pour saluer le métier de marbreur », ouvrage présenté dans un précédent billet

En effet, ici, le terme ne s’appliquait nullement à la disposition typographique mais avait un rapport avec le tirage de l’ouvrage. Pour plus de clarté, on reviendra dans un article ultérieur sur la mise en page car il appelle quelques développements qui risqueraient de nous mettre dedans. Ce serait malheureux : on vient à peine de sortir de la torpeur...
La notion de bibliophilie a toujours été accolée à celle de tirages restreints ou à tout le moins limités pour l’un de ses composants. Pour vérifier la justesse de ce tirage, on avait coutume de numéroter les exemplaires, souvent même d’y appliquer plusieurs types de numérotation selon les papiers : chiffres arabes, romains, alphabet.


Une justification de tirage de « Un Pari de milliardaire » de Mark Twain, au Mercure de France en 1925. Une numérotation toute simple, pas de déclinaison de papier puisque nous sommes ici face à une réédition.

Cette disposition pratique est encore en usage dans la bibliophilie contemporaine, elle est utilisée notamment dans les exemplaires sur « beau papier » de chez Gallimard ou des Éditions de Minuit, souvent avec une numérotation unique. Cette numérotation excite un morne fétichisme qui veut que le n° 1 ait plus d’intérêt que le dernier numéro du tirage. A notre sens, ces exemplaires se valent : même papier, mêmes couvertures et peut-être même vague ennui que procurent ces publications, sauvées parfois par leur contenu non par leur façon : offset sur vélin, brochage industriel, la belle affaire…
Mais, la bibliophilie c’est aussi autre chose, de ces livres, quelquefois aux tirages confortables, qui se font des mines en parant leurs justifications de tirage d’ajouts baroques, de signatures d’artistes, d’éditeurs, d’illustrateurs, voire des trois…
Justification, le mot est lâché, enfin.
La justification de tirage, ou colophon, est le moyen par lequel l’éditeur fera connaître la teneur du tirage : la qualité et le nombre de beaux papiers proposés, leur quantité dans chaque papier et le numéro qui insère l’ouvrage que vous tenez dans les mains dans cette série. Or, parfois, l’éditeur – ou l’auteur, ou l’illustrateur – ont pour mission d’apposer leur paraphe pour authentifier le travail de l’imprimeur : ainsi, point de double tirage (on est pas dans les lithos de Dali…) Le libraire, devant cette signature, dans le descriptif, dira ainsi que cet exemplaire a été justifié par l’éditeur, par exemple. Ce qui était le cas du livre de Raymond Gid, qui en était également l’auteur.

Justification avec la marque de l'auteur, Rachilde pour « La Jongleuse », au Mercure de France...


... avec la marque du traducteur, Henry-D. Davray, pour les « Premiers Hommes dans la Lune » de Wells, au Mercure de France

Évidemment, ce qui est possible pour une centaine d’exemplaires devient une entreprise quelque peu malaisée lorsqu’il s’agit de justifier un tirage pour le grand public. Or, ce besoin se fit sentir chez quelques éditeurs scrupuleux, désireux que chaque volume dont on avait fixé le tirage au préalable fut approuvé par l’auteur. A cette fin, ces auteurs furent dotés d’une marque personnelle apposée au colophon, lors du tirage. Cette méthode fut quelque fois utilisée aux XIXe et XXe siècles, comme le Mercure de France, Gallimard (rarement, il est vrai), la petite collection Les Introuvables, etc. Ces mêmes eurent recours bien plus souvent à la numérotation. Quelquefois, l’on trouve également la signature imprimée de l’éditeur, certifiant que l’ouvrage émane bien de son officine, précaution quelque peu superfétatoire à une époque ou les contrefaçons littéraires s’étaient estompées depuis plusieurs années.

Ces justifications de tirages du Mercure de France ont été collationnées et reproduites par Christian Laucou-Soulignac pour ses Éditions du Fourneau (plus tard : Fornax) dans l'ouvrage ci-dessus. Il a du reste récidivé pour Les Introuvables, ci-dessous.



Enfin, la bibliophilie moderne redécouvrit la signature originale pour des tirages réduits. Parfois, la justification pouvait même s’accompagner d’une phrase originale de l’auteur, d’un petit dessin, tout dépendait également de l’importance de l'ouvrage ou du projet bibliophilique. Bien sûr ces signatures ne revêtent pas autant d’importance que les envois autographes des mêmes, mais elles témoignent d’un contrat passé entre l’éditeur, l’auteur et son lecteur au terme duquel cet ouvrage a été approuvé et tiré scrupuleusement.

Justification de tirage pour « Marie Mathématique », de Jean-Claude Forest. Pour ce tirage de tête, l'auteur a à la fois apposé sa signature et son monogramme (qui est la transcription idéogrammatique de son nom)


De gauche à droite : Christian Laucou-Soulignac qui réalisa la maquette et l'impression de « Marie Mathématique », André Ruellan, co-auteur, Jean-Claude Forest, l'auteur, et le Tenancier de ce présent blog qui eut la chance de publier tout cela ! On assiste ici à la séance de signature où l'auteur compléta la justification de tirage, comme plus haut... (Cliché de Petra Werlé)
Ainsi, lorsqu’un libraire mentionne qu’un ouvrage a été  « justifié », cela signifie que vous y trouverez une signature ou une marque quelconque qui authentifiera le tirage.

jeudi 29 décembre 2016

« Marbled paper... what a curious name ! »

Notre cher Otto se demandait en quoi consistait le métier de marbreur. Bien que lui ayant donné une explication sommaire en commentaire de notre précédent billet, force est de constater qu'une image est plus parlante surtout lorsqu'elle est animée. Les démonstrations ne manquent pas sur le net à ce sujet. Il nous est apparu opportun de reproduire ci-dessous un reportage anglais des années 1970 chez un professionnel. Il est complet et didactique bien qu'en anglais (personne n'est parfait).



(Film made in 1970 by Bedfordshire Record Office of Cockerell marbling.)

mercredi 2 septembre 2015

Faire des livres autrement ?

On sait que nombre de progrès ont été accomplis face à un obstacle, la contrainte ou des difficultés diverses. La pression environnementale est l’un des facteurs les plus prégnants qui nous assaille. Pour parer à l’énorme consommation de bois de l’industrie papetière, un studio de design graphique suédois préconise de confectionner nos livres différemment, à ce titre on préconise :
— de supprimer toute page inutile (gardes, faux titres, etc.)
— de commencer les chapitres tout de suite après le précédent et donc de na pas faire de saut de page
— de procéder de la même façon avec les paragraphes mais en les séparant seulement par un carré noir symbolisant le retour à la ligne (ce signe existe en informatique : alt + 254 = ■)
— de condenser les signes de ponctuation : points de suspension verticaux, guillemet et ponctuation l’un au dessus de l’autre, etc.
Il n’est pas ici question de vitupérer une piste qui pourrait, au-delà de son extrémisme poser quelques interrogations intéressantes sur la composition des livres. On émettra toutefois quelques doutes sur la pertinence de cette démarche à l’heure actuelle, où les grands groupes de communications lâchent peu à peu le papier pour des supports à obsolescence rapide (et ici ce n’est pas un effet de mode que le dire : une saloperie électronique dure moins qu’un livre dans les mêmes conditions). Cela étant établi, la question mérite d’être posée et va sans doute déclencher une tempête dans le Landernau pas si calme des typographes. Si j'hésiterais à ouvrir un livre qui ne comporte aucune respiration (le blanc fait aussi partie de la composition !), il serait en revanche assez tentant d’expérimenter certaines propositions, comme celles qui concernent la ponctuation.
On se doute bien que le lancement d’un ouvrage avec les impératifs cités plus haut ferait un bide assez éloquent, la lecture correspondant à un certains nombres de réflexes conditionnés autant qu’au sens esthétique de ceux qui les composent. Considérons cette proposition comme une curiosité et une stimulation…


 
(Du bonheur du spectateur : c’est en suivant une liste de typo que votre Tenancier a pris connaissance de cette proposition autour de la collection Penguin. On la trouve exposée ici, l’image reproduite en provient également)

mardi 1 septembre 2015

Abréviations

Ce petit répertoire des abréviations n’est pas complet, loin s’en faut. En effet, on pourrait allègrement en doubler les entrées… Cette pratique utilisée par les rédacteurs de catalogues en papier obéissait à une volonté d’économiser de la place. Éditer un catalogue coûtait cher.
Désormais, l’internet a quelque peu révolutionné la pratique du catalogage et l’on écrit plus volontiers en toutes lettres les parties descriptives d’un ouvrage. Reste que, les habitudes aidant, certains libraires — dont moi — perdurent à mettre des abréviations dans leurs descriptifs. Et puis, sans doute quelques lecteurs de ce blog consultent encore des « catalogues papier »… on espère alors que ceci leur sera utile.
(Cette liste fut publiée entre novembre et avril 2009 sur le blog Feuilles d'automne.)

A

anc. --- ancien
ant. --- antique
aq., aquar. --- aquarelle
atl. --- atlas
auto., autogr. --- autographe

B

bas. --- basane
biblogr. --- bibliographie, bibliographique
br. --- broché
brad. --- bradel

C

cart. --- cartonné, cartonnage
coll. --- collection
collab. --- collaboration
corresp. --- correspondance
coul. --- couleurs
crit. --- critique
col. --- colonnes
collect. --- collective
correct. --- correction
couv. --- couverture
couv. cons. --- couverture conservée
couv. ill. --- couverture illustrée
couv. impr. --- couverture imprimée
couv. orig. --- couverture originale

D

ded. --- dédicace
dess. --- dessins
dépl. --- dépliant
dérel. --- dérelié
d-b. --- demi-basane (également : ½ bas.)
d-ch. --- demi-chagrin (également : ½ chagr.)
d-m. --- demi-maroquin (également : ½ mar.)
d-v. --- demi-veau (également : ½ veau)
dir. --- direction (sous la direction de)
dor.
--- doré

dos fr. --- dos frotté

E

éd., ed. --- édité, édition
édit., edit. --- éditeur
elz. --- elzévirien
e.o., ed. orig. --- édition originale
emb. --- emboîtage
ens. --- ensemble
env. autog. --- envoi autographe
épr. --- épreuve
ex. exempl. --- exemplaire

F

f. --- feuille
ff. --- feuillets
fasc. --- fascicule
fers à fr. --- fers à froid
front. --- frontispice
fig. --- figure
fil. --- filets
fx. tit. --- faux titre

FORMATS

f, f°, in-f, in-f° --- in-folio
4, 4°, in-4, in-4° --- in-quarto
8, 8°, in-8, in-8° --- in-octavo
12, 12°, in-12, in-12° --- in-douze
16, 16°, in-16, in-16° --- in-seize
etc.

H

h.c. --- hors commerce
h.-t. --- hors texte
héliogr. --- héliogravure
Holl. --- Hollande

I

ill., illust. --- illustrations, illustré
introd. --- introduction
impr. --- imprimé
inc. --- incomplet
int. --- intérieur
ital. --- italique

J

jans. --- janséniste (reliure)
L

L.A. --- lettre autographe
L.A.S. --- lettre autographe signée
L.S. --- lettre signée
lith., lithogr. --- lithographie

M

marb. --- marbré
maroq. --- maroquin
miniat. --- miniature
mod. --- moderne
mouch. --- moucheté
mouill. --- mouillures
mq., mque. --- manque
ms. --- manuscrit

N

n.c. --- non coupé
n. rog. --- non rogné
nmbr. --- nombreux
not. --- notice
nouv. --- nouvelle
nomin. --- nominatif
num. --- numéroté

O

orig. --- originale
obl. --- oblong
ord. --- ordinaire
ouvr. --- ouvrage

P

p. --- page
pp. --- pages
pap. --- papier
parch. --- parchemin
pet. --- petit
perc. --- percaline
piq. de v. --- piqûres de vers
pl. --- planches, ou : plats (selon le contexte)
pl. rel. --- pleine reliure
plaq. --- plaquette
port., ptr., portr. --- portrait
préf. --- préface
prélim. --- préliminaire
pub., publ. --- publié
pseud. --- pseudonyme

Q

qq. --- quelques

R

r. --- recto
rac. --- raciné
réimp. --- réimposé
réimpr. --- réimpression / réimprimé
rem. --- remarque
rép. --- réparé
reprod. --- reproduction
rest. --- restauration / restauré
rog. --- rogné
romant. --- romantique
rouss. --- rousseurs

S


s. --- siècle
s.d. --- sans date
s.l. --- sans lieu
s.l.n.d. --- sans lieu ni date
s.n. --- sans nom
sup. --- supérieur
suppl. --- supplément

T

t. --- toile
T., tom. --- tome
tabl. généal. --- tableau généalogique
tir. --- tiré / tirage
tit. gr. --- titre gravé
tr. --- tranche
trag. --- tragédie
trad. --- traduit (e)
typ. --- typographié

V

v. --- voir
v. --- veau
v. --- verso
vél. --- vélin
vign. --- vignette
vol. --- volume

A la suite de cet exercice odieusement pratique, Christian Laucou, tenancier de Fornax concocta sa propre liste, désopilante. Comme on est fâché(*) avec cet individu on ne pouvait décemment lui demander de la reproduire à nouveau. Il se trouve qu'il la publia en manière de carte de vœux, comme à son habitude. Elle est donc visible ici et on vous souhaite de vous amuser autant que votre Tenancier quand il mettait cela en ligne sur son blog.

(*) Avoir l'affront d'être aussi tête de con que votre Tenancier quand il s'y met (et il s'y est mis aussi à cette occasion) c'est trop fort !

jeudi 11 juin 2015

Où l'on perçoit le travail du libraire...

Pourquoi est-on libraire ? On ne répondra pas pour les autres, mais il est au moins un des aspects du métier — je parle pour les libraires d’occasions et bibliophiles — qui vous confirme et même vous relance dans la passion de son exercice : c’est la recherche bibliographique. Certes, l’acte serait décevant s’il se cantonnait à la recension bête des indications résidant dans les ouvrages de référence. Ces recherches vont plus loin, elle font appel à une somme de connaissance qui met en cause la compétence du chercheur. Hors l’aspect technique du livre, les connaissances spécifiques à l’histoire de la littérature en général, un mouvement particulier ou plus spécifiquement à la biographie d’un auteur, à part l’habileté et parfois l’opiniâtreté à retrouver des sources bibliographiques, c’est la capacité à articuler cette somme d’informations qui fait le métier et le plaisir du libraire. Cela se traduit par la présence — facultative, toutefois — de notices dans les catalogues de vente.
Ces notices surviennent souvent en conclusion du descriptif de l’ouvrage (voyez les billets précédents sur le sujet) et se rapportent tantôt aux attributs spécifiques de l’exemplaire (un envoi autographe, un ex-libris, un exemplaire nominatif, par exemple), tantôt aux circonstances de publication (rescapé du pilon ou de la censure, etc.)
Si les renseignement apposés jusque-là dans le catalogue avaient valeur d’objectivité et répondaient à quelques standard précis, la notice devient le champ d’expression de la personnalité du libraire. On a déjà évoqué antérieurement les notices abondantes, humoristiques et fort bien documentée de Pierre Saunier dont les catalogues se conservent autant pour les sources de renseignement autour de livres rares que pour le plaisir de leur relecture. D’autres professionnels sont plus succincts voire muets. Ce silence n’implique pas que le libraire n’a rien à dire. La raison se trouve sans doute dans le fait que nous avons affaire à un bon exemplaire — on veut entendre par là qu’il n’est pas si spécial que cela par rapport à un exemplaire qui aurait un envoi — et qu’il est inutile de gloser dessus, d’autant que, rappelons-le, la place est comptée dans la mise en page d’un catalogue. En fait, la nécessité du recours à une notice développée est à la mesure de l’importance de l’ouvrage : plus l’exemplaire sera précieux, prestigieux, exceptionnel, plus sa notice aura de l’importance. Entre l’absence complète de commentaire sur un ouvrage sur pur fil de Claudel et un notice de trois pages autour d’un rare exemplaire en circulation de l’éditeur Genonceaux (nous pensons ici au Tutu de la Princesse Sapho), c’est une question de rareté, d’exception et bien entendu de valeur (le pur fil vaudrait une vingtaine ou une trentaine d’euros, Le Tutu a été proposé à 8 000 F. à l’époque ce qui permettait que l’on s’étale un peu à son sujet).
Une notice est souvent explicative, elle articule — on se répète — divers éléments pour donner l’explication de la présence de l’ouvrage dans le catalogue et bien entendu celle de son prix. Parfois, la chose est implicite. L’ouvrage est recherché et il n’est pas besoin de s’en expliquer plus avant. Le prix confirme tacitement l’importance de celui-ci. En réalité, ces notices ne s’imposent bien souvent que dans le cadre d’exemplaires ayant une provenance ou bien dans des catalogues spécialisés. Il est en effet important de devoir expliquer la nature particulière de quelques ouvrages très rares dans un domaine qui touche peu de monde. On a sous les yeux un catalogue de Serge Plantureux datant de 1991 et consacré à la criminalistique et à la criminologie. Si Le miracle de la rose de Genet n’a nul besoin d’indication hormis le descriptif physique, Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray (circa 1840) mérite une notice de 500 signes environ. Le Genet — simple édition originale — a été proposé à 3 000 F. tandis que l’ouvrage sur Mettray en faisait 2 000 de plus… Il va de soi que la rareté fait la différence. Mais il y a un autre facteur que nous n’avons pas abordé, c’est l’importance de l’ouvrage dans un contexte donné. Ainsi dans la notice consacré à la colonie pénitentiaire du Mettray, nous apprenons que Michel Foucault a analysé le contenu de cet in-4° oblong dans Surveiller et punir. Nous arrivons donc à une autre dimension de l’ouvrage et une ample justification de son intérêt, fait qui nous aurait sans doute échappé s’il n’y avait eu cette notice.
Les notices comportent, outre des références intellectuelles indispensables, une indication qui peut paraître abstruse au néophyte… Des noms ainsi qu’un chiffre apparaissent parfois. ce sont en réalité des références bibliographiques couramment utilisées et que l’usage a consacré par la mention de leur auteur. Par exemple la mention BRUNET suivi d’un chiffre indique que le libraire à été farfouiller dans le Manuel du libraire et de l’amateur de livres de Jacques-Charles Brunet (1860) consacré principalement aux livres anciens, le chiffre indiquant la page où il a prélevé certaines information pour rédiger sa notice où bien  pour justifier, par exemple, le fait que nous avons affaire à une originale. On vous citera un de ces jours quelques bibliographies régulièrement citées.
Cet aspect particulier du catalogue, le plus passionnant à mon sens tant du point de vue du lecteur que du rédacteur, contribue à la réputation du libraire. C’est également un accessoire indispensable à la formation de l’amateur et du bibliophile. Nul besoin de rechercher fébrilement des catalogues pour s’en apercevoir puisque quelques libraires prestigieux mettent en ligne les invendus de leurs catalogues papier (on vous invite à chercher sur le site Livre-Rare-Book). Bien évidemment, on rencontre plus rarement des notices pour des livres mineurs, même en ligne, car ces recherches prennent parfois du temps et de l’énergie.
On a conscience d’avoir oublié pas mal de choses dans cette évocation. tant pis. Le Tenancier évoque, il ne balance pas.

mardi 2 juin 2015

La description matérielle des livres dans les catalogues

Nous avons fait connaissance avec la nature du livre proposé, maintenant, si vous le voulez bien, nous allons descendre dans le local technique. Un livre, de bibliophilie ou d’occasion, diffère du livre neuf par le fait qu’il possède une histoire personnelle. Si la description d’un livre sorti à peine de chez l’imprimeur ne mérite que la mention « neuf », les autres ont pu subir des vicissitudes ou des enrichissements. Pourtant, beaucoup de catalogues ne donnent pas l’état des ouvrages. Cela signifie simplement que l’ouvrage est en très bonne condition. Quand un libraire édite un catalogue, les ouvrages qu’il propose sont réputés en excellent état, sauf mention contraire… On peut donc dans la rédaction abandonner les mention Très bon état ou, pire, tbe (qui donne l’impression de lire une annonce pour club échangiste). On sait très bien que cette omission volontaire n’est plus d’usage dans certains catalogues (surtout en ligne) car les amateurs ne seraient pas rassurés s’il ne trouvait pas confirmation de ce fait allant de soi. Le fait est que cette omission est le plus souvent pratiquée par les libraires bibliophiles dont la clientèle est habituée aux usages. Le métier de libraire d’occasion s’est quelque peu dévalorisé en ne suivant pas l’éthique de ses confrères et a dû adopter le mode de description de la brocante, encouragé en cela par les bazars en ligne et sites dont « livre » et « produit » sont à peu près synonymes. Quand on parle d’arasement par le bas, cela arrive également dans les pratiques professionnelles.
Certes, qu’est-ce que cela peut faire qu’on mentionne ou non le bon état implicite de l’ouvrage ? C’est que dans le catalogue papier, chaque ligne compte, voire chaque signe. Cette section vouée à la description matérielle du livre est sous le régime de la contrainte de place, c’est l'endroit où règne l’abréviation qui permet de gagner une ligne par item proposé et donc à terme d’ajouter un peu plus de livres. Ainsi un
in-douze broché, couverture illustrée, 228 pages — Édition originale

se transforme bien souvent en
in-12 br., couv. ill., 288 pp — E.O.

Un autre aspect de la question tient à ce que le libraire garantit l’état des ouvrages, alors à quoi bon le souligner ? Nous évoluons encore dans une pratique marchande désuète ou il y a encore peu, le client payait à réception de sa commande…
On reviendra un de ces jours — comme nous l’avions fait dans notre précédent blog — sur les abréviations qui ont plus ou moins cours entre les pages des catalogues.
Nous l’avons écrit au début, le souci est de rendre compte efficacement du vécu d’un livre, de mentionner le défaut éventuel ou les enrichissements qui peuvent l’accompagner : envois, reliures, lettre autographe ou autres truffe, etc. C’est évidemment cette partie qui fixe le prix de l’ouvrage parmi les autres exemplaires de ce titre. Elle est donc indispensable.
On ne va pas s’amuser ici à donner un cours de description physique de livre. Cela nous emmènerait assez loin parfois dans les réflexions et nous en aborderons quelques aspects un de ces jours également. On ne va cependant pas se priver de donner un exemple :
Que vaut-il mieux ? Donner d’entrée le nombre réel de pages, mentionner la pagination (sachant que les titres, faux titres, gardes etc. ne sont pas numérotés) ou décomposer patiemment chaque partie de l’ouvrage ? Une de ces solution n’est en tout cas pas satisfaisante à mes yeux. Le nombre réel de page donne — lié au format — le nombre de cahiers composant le livre, indication bibliophilique supplémentaire fort utile pour un éventuel relieur ou pour les maniaques (ce qui dans le livre, est un pléonasme, je sais…) Débat un peu byzantin pour les néophytes mais dont on n’épuise pas la substance d’un coup.
C’est arbitrairement que l’on a placé la description physique d’un livre en deuxième position, on la retrouve parfois en queue de notice, au bon plaisir du libraire. Et pour le nôtre. Ce n’est pas une science exacte, au grand dam des créateurs de base de données qui voudraient tout normer. Peut être est-ce une forme de résistance…

vendredi 29 mai 2015

Le Corbeau

Ces deux billets sont parus en novembre 2008 sur le blog Feuilles d'automne. On ne retranche rien à notre enchantement d'alors.








Il est des livres qui vous rendent plus riches qu'une entière bibliothèque.
Guy Levis Mano créait des ouvrages de ce genre.
Voici un ouvrage qui figure dans ma bibliothèque personnelle, une œuvre à quatre voix, celle de Poe qui l'a écrite, celle de Mallarmé et Baudelaire qui l'on traduite et celle de Guy Levis Mano qui l'a imprimée, celle de quatre poètes.
Pour ceux qui aiment les livres singuliers, curieux et beaux imprimés par Guy Levis Mano, allez sur le site de l'association qui perpétue sa mémoire et son œuvre.


Quelques jours après cette évocation :

Je reçois à l'instant un très aimable message, dont j'extrais une question à propos de l'article précédent :
Votre dernière photo montre deux doubles pages avec deux grands fonds différents en page paire ; qch m'échappe, mais quoi ?
A cela, il faut au préalable expliquer ce qu'est un "grand fond". L'organisation d'un bloc de texte dans un livre se conforme a un certain nombre de règles typographiques. Certaines sont évidentes et tiennent à la tradition, laquelle remonte au temps des manuscrits. Ainsi, l'on observera que les textes dans la plupart des ouvrages occupent une place qui n'est pas centrée sur la page. En effet le bord extérieur et le bas présentent un plus grand espace vierge. On observera d'ailleurs une sorte de progression de cet espace à partir de l'intérieur de la page jusque vers le bas de celle-ci, comme une progression en escargot, du plus petit espace au plus grand. Ces espaces vierges ont une appellation précise, bien sûr ! En partant de l'intérieur de la page, c'est à dire de l'endroit ou l'ouvrage est relié aux autres, nous trouverons le "petit fond", le haut de la page s'appellera "la tête", le bord extérieur "le grand fond" et le bas "le pied".
Pour résumer - et donc trahir - les raisons de cette position dissymétrique du texte, on évoquera la tradition des annotations marginales dans les manuscrits et la nécessité de poser le pouce sur le papier sans cacher le texte tout en tenant le livre. Il y a également une notion d'harmonie héritée de l'esthétique de la Renaissance et à laquelle Manuce n'était point étranger. Ces remarques valent pour la plupart des ouvrages que vous possédez dans votre bibliothèque. Nous y sommes tellement habitués que nous éprouvons parfois une sorte de désagrément lorsque ces fonds sont bousculés, par prétention esthétique ou par ignorance.
Ceci posé, revenons à la question de mon commentateur hélas anonyme et traduisons là en essayant de se faire pardonner une éventuelle traîtrise :
Votre dernière photo montre deux doubles pages avec deux bords extérieurs (les grands fonds, donc) différents en page paire (c'est à dire la page de gauche); qch m'échappe, mais quoi ?


Revenons à l'ouvrage imprimé par Guy Levis Mano. Le problème était le suivant : Comment représenter trois versions d'un même texte sur deux pages tout en conservant une certaine harmonie de présentation, une vue aérée de ces textes alors que l'on ne dispose que d'un format de feuille réduit ? La solution était simple mais extrêmement judicieuse : Il suffisait de plier la feuille non par son milieu mais à son tiers et de répéter la même chose pour la feuille suivante, mais en inversant le pliage ! Bien évidemment, l'imposition (c'est à dire la disposition des pages sur la feuille avant impression) tenait compte de ce pliage dissymétrique pour arriver à présenter les trois versions du même poème dans une présentation équilibrée et non contrainte.
C'est ainsi que l'on constate un déséquilibre dès que les pages sont désolidarisées, d'où le trouble de mon aimable correspondant.
Cette édition du Corbeau fut tirée à 840 exemplaires, tous en feuilles (c'est à dire ni agrafés, ni brochés). On imagine le poète-typographe pliant patiemment ses feuilles une nuit de 1967 sous l’œil du Corbeau lui-même... 

... Les ténèbres et rien de plus !

jeudi 28 mai 2015

La première partie des notices de catalogues

Si l’évocation de l’existence de numéros à chaque entrée de catalogue tenait quelque peu de l’enfonçage de porte ouverte, la suite l’est moins, malgré les apparences. Quoi de plus naturel que de commencer la description d’un livre par le nom de l’auteur, le titre, etc. ? Ce qui rend cette idée moins rebattue se situe dans la source des informations, à savoir la fiche bibliographique du libraire avant élaboration. Contrairement à une habitude assez ancrée dans les sites de ventes lorsque ce sont des amateurs qui s’y collent, par exemple, ces informations sont prélevées sur la page de titre et non la couverture. Ainsi, nom d’auteur, titre de l’ouvrage, sous-titre, traducteur ou préfacier éventuels, nature de l’écrit (roman, essai, poésie…), éditeur, date d’édition et on en passe se situent sur cette page et non sur la couverture comme il m’arrive bien souvent de le constater. Il suffit à chacun de nous d’ouvrir un bouquin dans sa bibliothèque pour constater la différence entre les informations consignées sur une couverture en général et cette fameuse page de titre. La somme de ces indications permet un premier repérage du livre que propose le libraire, parmi les trois éléments importants le concernant (on verra les autres plus tard) qui constituent le corps de la notice. C’est également la partie qui nécessite le moins de compétences puisque cela consiste à copier les éléments qui figurent dans l’ouvrage lui-même. Pas de recherche spécifique à effectuer. Il suffit d’avoir de bons yeux.
Cette partie ouvre la description de l’ouvrage, ce sont des données objectives mises en évidence, souvent en graissant les caractères, en alinéa et en tout cas placées en début de notice. Il serait du reste assez ballot de mettre ces informations en queue de peloton, nous sommes bien d’accord. En apparence, rien de bien captivant dans cet énoncé. Pourtant, ces données sont souvent négligées par les amateurs, comme nous le disions plus haut, et peuvent induire de fâcheuses méprises. L’image d’une couverture ne suffit pas toujours à dissiper le doute quant à la nature d’une édition.
La première partie de la notice est donc la plus « mécanique », dans le sens où elle ne prête à aucune interprétation de la part du libraire. Elle est cependant la plus nécessaire.

mercredi 20 mai 2015

La numérotation des notices de catalogues

Est-il besoin de parler du numéro de chaque entrée d’un catalogue, tant sa fonction paraît prosaïquement implicite — ou implicitement prosaïque ?… Quatre-vingt dix-neuf pour cent des libraires utilisent des numéros pour chaque notice de catalogue. Je pense être le seul à a voir travailler dans une librairie qui faisait des notices sans numéros. On en a déjà parlé d’ailleurs. Tant il est vrai qu’entendre citer un titre et un auteur était préférable bien souvent à l’énoncé de numéro lorsque l’on avait un client au téléphone, le côté pratique n’était pas forcément au rendez-vous. En effet, les ouvrages d’un catalogue sont souvent classés par ordre alphabétique et la théorie voudrait qu’Abellio ou Audiberti se trouvent en haut à gauche du rayonnage tandis que Valéry et Vanderem se situent en bas à droite, en vertu de cette succession alphabétique et du sens du rangement. Seulement, c’est sans compter avec les rubriques qui peuvent parsemer le dit catalogue. Ainsi, le bon sens veut que l’on regroupe sur le même espace les ouvrages consacrés au Surréalisme puisqu’ils sont classés ainsi dans le catalogue… Mais alors, qu’un client nous demande un ouvrage d’Aragon sans nous mentionner sa place dans la rubrique ad hoc et pour peux que l’on soit court sur la bibliographie de l’auteur, on risque fort de le rechercher au tout début du rangement, c'est-à-dire dans sa partie stalinienne (j’adore me faire des potes). On jugera alors qu’une numérotations des exemplaires en vente fait grâce de toute hésitation, de quiproquos et d’atermoiements fâcheux. Ce recours à la numérotation est également pratique pour le libraire qui veut repérer certaines ventes intéressantes. Tel numéro dans le catalogue — numéroté lui aussi — peut faire l’objet d’une mention dans la fiche bibliographique pour la préparation du livre avant la mise en vente. Ce repère peut être parfois un apport bibliographique, une indication de prix, etc. Tout cela, on le sait ou on le pressent. On ne vous a pas indiqué que cette suite de petits billets serait forcément originale…
Cette numérotation est éphémère, elle n’est pas liée au livre mais liée à sa place dans le catalogue. Un livre qui n’a pas été vendu sur celui-là peut tout aussi bien se retrouver un numéro différent dans un autre du même libraire quelques années après.
Il n’en va pas forcément de même avec le catalogage électronique. Les premières bases de données ont numérotés les lignes de leurs entrées, celles destinées à la vente en ligne exigent également une numérotation liées à l’entrée de chaque ligne de la liste. Ce numéro se retrouve dans les bons de commande transmis aux libraires. C’est généralement ce numéro de références qui est le plus important pour ces sites et nom l’identité du livre. A la limite, on se fout assez du « produit » pourvu qu’il corresponde à la référence… Tout cela est bien éloigné de la pratique du catalogage papier et atteint presque les conditions de la distribution industrielle, ou automatisée. Accessoirement, si l’on suit le libraire sur le net, on verra que les plus anciens numéros des listes proposés par celui-ci sont logiquement ceux qui traînent depuis un certain temps, l’invendable, le brol, la merdouille. Ce n’est pas une règle, le professionnel avisé pouvant revitaliser ces ouvrages-là en leur offrant un numéro plus récent. Astuce toute bête qui a ses limitations : un « habit neuf » ne change guère le contenu.