samedi 29 novembre 2014

La mort du Mange Livre


Le Mange Livre est mort hier dans son dernier accident.
Le temps que dura sa collaboration au Métal, il avait répété sa mort en de multiples collisions, mais celle-là fut la seule vraie. lancée à fond, sa moto a franchi le garde corps du toboggan de la rue de Lancry et plongé à travers la véranda de la rédaction.
Les corps broyés en grappe des secrétaires, comme une hémorragie de soleil, étaient toujours plaqués sur les bureaux, lorsque je me suis frayé un chemin parmi les techniciens de la police, une heure plus tard.
Cramponné au bras de son fauteuil, Jean-Pierre Dionnet avec qui le Mange Livre avait tant de mois rêvé de mourir, se tenait à l’écart sous les yeux tournants des ambulances.
Quand je me suis approché des pompiers et des policiers qui tentaient, à l’aide de palans et de torches à acétylènes, de dégager les cadavres bloqués, Dionnet a porté un mouchoir de dentelle à sa bouche. Pouvait-il voir le corps disloqué du Mange Livre ? Apercevait-il le sang qui lui inondait l’entrejambe et où venait se mêler l’huile chaude du moteur ?
 
Stan Barets (in : Métal Hurlant n°24 — Décembre 1977)

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