jeudi 25 juin 2015

Une bibliothèque

« […] Sa bibliothèque se trouvait au quatrième et dernier étage de la maison sise au 24 rue Ehrlich. La porte de l’appartement était gardée par trois serrures compliquées. Il les ouvrit, traversa le vestibule dans lequel se trouvait un porte-manteau et pénétra dans son cabinet de travail. Il déposa avec précaution la serviette sur un fauteuil, puis se mit à aller et venir à travers l’enfilade des quatre vastes et hautes pièces qui formaient sa bibliothèque. Tous les murs étaient garnis de livres jusqu’au plafond. Son regard les parcourut lentement de bas en haut. Des fenêtres avaient été aménagées dans le plafond ; il était fier de cet éclairage par le haut. Les fenêtres latérales avaient été murées, il y a des années, après d’âpres luttes avec le propriétaire. Ainsi, il avait gagné, dans chaque pièce, un quatrième côté : autant de place conquise pour les livres. De plus, il lui semblait qu’une lumière venant du haut et qui éclairait également tous les rayons, était meilleure et mieux adaptée à ses rapports avec les livres. En même temps que les fenêtres latérales disparaissaient, s’évanouissait aussi la tentation d’observer les allées et venues dans la rue, une mauvaise habitude qui fait perdre du temps et qu’on apporte incontestablement avec soi en naissant. Chaque jour, avant de s’asseoir à sa table de travail, il bénissait la bonne idée initiale et l’esprit de suite auxquels il devait la réalisation de son vœu suprême : posséder une bibliothèque bien fournie, bien rangée, fermée de tous côtés et dans laquelle nul meuble superflu, nul intrus ne venait détourner le cours de ses graves pensées.
La première pièce servait de cabinet de travail. Un vieux bureau massif, un fauteuil devant et un autre dans l’angle opposé en constituaient tout le mobilier. En outre, il y avait là un divan qui se faisait tout petit et que les yeux de Kien ignoraient volontiers parce qu’il se contentait d’y dormir. Aux murs était accrochée une échelle mobile. Elle était plus importante que le divan et se promenait de pièce en pièce au cours de la journée. En effet, pas une chaise ne venait troubler le vide des trois autres pièces. Il n’y avait ni table, ni armoire, ni poêle pour rompre la monotonie bigarrée des rayons. De beaux tapis épais qui recouvraient partout le sol réchauffaient le demi-jour sévère qui unissait les quatre pièces aux portes largement ouvertes en un seul vaste hall. »

Elias Canetti : Auto-da-fé
Traduit de l’allemand par Paule Arhex
Gallimard, 1968
Extrait publié en décembre 2008 sur le blog Feuilles d'automne

Tablier


Tablier
Avoir crainte que le tablier ne lève : craindre de se trouver en état de grossesse.

Marie-François Le Pennec : Petit glossaire du langage érotique aux XVIIe et XVIIIe siècles (1979)



Tablier (Droit de), s. m. Bienvenue payée par les apprentis à leur entrée dans l'atelier. Cette coutume est tombée en désuétude à Paris ; mais elle est encore pratiquée, dit-on, en province, et particulièrement dans le nord de la France.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

10/18 : Oscar Wilde : Intentions




Oscar Wilde

Intentions
Préface d'Hubert Juin

n° 1817
Série «  Fins de Siècles »

1986
couverture : Éventail sur fond d’or (détail), par Louis Welden Hawkins


(Contribution de SPiRitus)
Index

mercredi 24 juin 2015

Saint-Jean

Saint-jean, s. m. Ensemble des outils d'un compositeur. Ces outils, d'ailleurs peu nombreux, sont: le composteur de fer et le composteur de bois, les pinces, la pointe, aujourd'hui presque abandonnée, le visorium et la boîte à corrections.
Prendre son saint-jean, Quitter l'atelier.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

mardi 23 juin 2015

Fable-express

Dans Aire-sur-la-Lys, il advint une fois
Qu'un voyageur manquât son train, c'est une affaire
Qui n'a rien d'extraordinaire
Il s'était attardé : tant pis pour lui ma foi !

Moralité :
Si tu ne vas pas à la gare d'Aire,
La gare d'Aire n'ira pas à toi.

Alphonse Allais

Rangs

Rangs, s m. pl. Tréteaux sur lesquels les casses sont placées. Un rang est disposé pour deux compositeurs.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

lundi 22 juin 2015

Le Livre | The Book

Source : Butterfly, English-French Magazine (avr. 67 — n° 130)

Pallas

Pallas, s m. Discours emphatique ou plutôt amphigourique. C'est sans doute par une réminiscence classique qu'on a emprunté ironiquement pour désigner ce genre de discours l'un des noms de la sage Minerve, déesse de l'éloquence. Que de pallas finissent par des mastics !

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

dimanche 21 juin 2015

Fable-express

Un mari quelque peu volage
Le lendemain de son mariage
Tua sa femme à son réveil

Moralité :
La nuit souvent porte conseil

Alexandre Pothey

Ours

Ours, s. m Imprimeur ou pressier. Ce Séchard était un ancien compagnon pressier que dans leur argot typographique, les ouvriers chargés d'assembler les lettres appellent un ours. (Balzac) Cette expression a vieilli. V. Singe



Ours s. m. Bavardage ennuyeux.
Poser un ours, ennuyer par son bavardage insipide. Se dit d'un compagnon peu disposé au travail, qui vient en déranger un autre sans que celui-ci puisse s'en débarrasser. Une barbe commençante se manifeste souvent de cette manière. Ce mot est récent dans ce sens.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

10/18 — Octave Mirbeau : Le Calvaire




Octave Mirbeau

Le Calvaire
Préface d'Hubert Juin

n° 1775
Série «  Fins de Siècles »

1986
couverture : illustration de Jeanniot pour Le Calvaire, 1905


(Contribution de SPiRitus)
Index

Malheureux (Tour de)

Malheureux (Tour de). Expression récemment introduite dans les journaux et qui est synonyme de Morassier. (V. Morasse et Morassier.)

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

samedi 20 juin 2015

La vente en fascicules

Il a existé un temps privé de télévision où l'une des rares distractions réservées à la population était la lecture à bon marché. Elle prenait place dans les canards, ou les fascicules vendus par colportage, les bibliothèques populaires qui firent florès dans la deuxième partie du XIXe siècle. Il y avait encore la possibilité de se constituer une bibliothèque personnelle en se procurant des petites brochures qui contenaient un récit complet, des romans sur mauvais papiers et enfin d'autres fascicules qui proposaient un récit à suivre que l'on complétait à chaque parution, hebdomadaire ou mensuelle...
Cela ne vous dit rien ?
Ainsi les maisons Altaya ou Atlas ne font guère preuve aujourd'hui d'originalité en proposant de leur côté des séries télévisées découpées en plusieurs DVD - souvent en nombre supérieur à l'édition vendue dans les circuits classiques et donc plus chères globalement. Le procédé existait dans l'édition populaire et semble avoir été répandu. Sue, Ponson du Terrail, Paul de Kock et bien d'autres encore furent également publiés en livraisons, livraisons que l'on conservait parfois précieusement à fins de reliures, pour ceux qui voulaient se constituer une bibliothèque. Pour cela, chaque livraison était numérotée, comme les cahiers d'un ouvrage classique, puisque l'on en avait retiré les couvertures provisoires. Les illustrations fournies à part comportaient parfois des indications d'insertion pour le relieur, afin de lui faciliter le travail. Souvent imprimées sur deux colonnes, ces brochures pouvaient avoir un format respectable : in-4° ou grand in-8°. Le papier n'était guère de bonne qualité car les ouvrages produits en grand nombre à un prix réduit, précisément à une époque ou arrivaient les papiers qui comportaient des fibres de bois (se reporter à l'article sur l'acidité du papier, pour en savoir un peu plus...). De plus, les conditions de conservation des ouvrages n'étaient pas tout le temps idéales : rousseurs, piqures, manques, épidermures, insolations... tous ces mots - tous ces maux - et bien d'autres que j'ai négligés, qui marquent la subtile ou plus directe sénescence d'un livre vinrent atteindre ces productions populaires.
Ainsi, comme par une sorte de déterminisme dans la Sélection Naturelle, le Livre Populaire avait choisi de survivre par la quantité de ses représentants et non par leur capacité de résistance individuelle.
Mais ce n'est pas exactement de cela dont on voudrait parler ici.
Il reste encore des pages vierges pour raconter l'histoire de l'édition populaire.
En effet, si nous connaissons bien Féval, ou Souvestre et Allain, que dire de leurs éditeurs ? Qui connait la biographie de Jules Rouff et de Ferenczi. Et même, qui pourra nous donner sur la longueur d'un livre, l'histoire de la collection Le Livre Populaire, chez Arthème Fayard ? Certes quelques études ont été faites, mais guère de l'importance qui fut portée à leurs contemporains comme Hachette, Calmann-Lévy, Hetzel, etc.
Il aurait fallu explorer les pratiques éditoriales, les méthodes de contrats, les relations qui régissaient ces éditeurs à leurs auteurs (négriers, paternalistes, complices ?) et enfin les pratiques commerciales. Ainsi ces méthodes de ventes par fascicules - qui ne sont pas sans rappeler du reste la pratique des exemplas au moyen âge - trouve-t-elle, comme je disais plus haut, une résonance encore actuelle.
On s'en convaincra en observant les images ci-dessous.





Ce n'est pas tant l'originalité du roman ni l'intérêt des illustrations mais bel et bien la mention qui orne cette couverture conservée qui attise notre attention. Eh oui, le premier fascicule était gratuit ! Gageons que le talent de l'auteur conjugué à l'habileté commerciale de l'éditeur surent séduire nombres de lecteurs !
Signalons que ce lecteur s'embarquait pour une lecture de longue durée puisque ce roman est contenu dans deux forts in-8° de plus de 2000 pages en tout.
La première brochure gratuite ou à prix réduit, rien de tel pour appâter...
Progressivement, cette méthode de vente du livre va se marginaliser, le livre populaire va réduire la voilure, se transformer en livre de poche et ne plus raconter la même histoire, plus aux même personnes.
On a dit que « l'audiovisuel » tuerait le livre. C'est faux.
Il a tué le livre populaire.
Mais, curieusement, sa pratique commerciale va renaître sous les oripeaux de son criminel, à votre kiosque, toutes les semaines.

Billet paru en novembre 2008 sur le blog Feuilles d'automne.

jeudi 18 juin 2015

Lardée

Lardée, s. f. « Composition remplie d'italique et de romain. » (P. Vinçard.) Vieilli.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

mercredi 17 juin 2015

Une circulaire de Courteline

CABINET DE GEORGES COURTELINE
CENTRALISATION DES INTERVIEWS

Monsieur et cher confrère,

En réponse à votre lettre du...
par laquelle vous voulez bien me demander mon avis à propos de..........
j'ai l'honneur de vous informer que je m'en fous complètement.
Dans l'espoir que la présente vous trouvera de même, je vous prie d'agréer, Monsieur et cher confrère, l'assurance des mes sentiments les plus dévoués.

Pour M. Georges COURTELINE
Le Centralisateur général

J'y fais

J'y fais. J'y consens, j'approuve. On dit J'y fais comme synonyme de Je marche. V. Marcher.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

samedi 13 juin 2015

P.P.C.

Quelques littérateurs ont pris congé avec une dernière parole : saurez-vous dire qui sont les auteurs des phrases suivantes (y'en a des fastoches) ? :

I.
— « Tirez le rideau, la farce est terminée »

II.
— « J'ai trente mille livres de rente et je meurs ! »

III.
— « Je peux vous le confier : Dante m'a toujours ennuyé »

IV.
 — « Pourtant, j'avais quelque chose là ! »

V.
— « Ouvrez donc les volets — de la lumière... plus de lumière ! »

VI.
— « Huit jours avec de la fièvre ! J'aurais encore eu le temps d'écrire un livre », puis dans l'agonie : « Bianchon, appelez Bianchon ! Lui seul me sauvera ! »

VII.
— « Dormir, enfin ! Je vais dormir ! »

VIII.
— « Il va falloir être sérieux là-haut ! »

IX.
— « C'est ici le combat du jour et de la nuit ! », et ensuite : « Allons ! Il est bien temps que je désemplisse le monde ! »

X.
— « Eh bien, je m'en souviendrai de cette planète ! »

XI.
— « Je meurs vraiment au-dessus de mes moyens »

XII.
— « Marinette, pour la première fois, je vais te faire une grosse, une très grosse peine... »

XIII.
— « Je m'ennuie déjà !»

Comme d'habitude, vous pouvez donner vos réponses dans les commentaires.


Post-scriptum : Bien entendu, si vous pouviez éviter les ressources du net, ce serait aussi bien, d'autant que le Tenancier est disposé à vous fournir des indices (mais pas trop, quand même...)

Index

Index, s. m. Décision de la Chambre syndicale des ouvriers typographes qui interdit aux sociétaires de travailler dans telle ou telle maison, par suite d'infraction de la part du patron aux règlements acceptés. Les imprimeries à l'Index sont celles où le travail n'est pas payé conformément au Tarif. Les ouvriers typographes qui consentent à y travailler sont désignés sous le nom de sarrasins.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

vendredi 12 juin 2015

10/18 — Gustave Le Rouge : La guerre des vampires




Gustave Le Rouge

La guerre des vampires

Postface de Pierre Versins
Bibliographie de Francis Lacassin

n° 1078
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « L'aventure insensée »

320 pages (311 pages)
Dépôt légal : 3e trimestre 1976
Achevé d'imprimer 10 juin 1976

Couverture de Pierre Bernard.
Volume quintuple
ISBN 2.254-00063-5

Table des matières :

La guerre des vampires [7-300]

Postface : Un mystère littéraire, par Pierre Versins [301-309]
Post-scriptum de l'éditeur par F(rancis] L(acassin) [310-311]
Bibliographie, par F. Lacassin [312-313]

Table des matières [314]

Liste alphabétique des ouvrages disponibles au 31 juillet 1976 [315-320]


(Contribution du Tenancier)
Index 

Hannetonné

Hannetonné, adj Atteint de cette maladie spéciale qu'on nomme hanneton. La définition donnée par Alfred Delvau n'est pas exacte. Pour lui, un hanneton est un homme qui « se conduit comme un enfant. » Ce n'est pas cela : le hannetonné agit en vertu d'une idée fixe, et on sait que les enfants n'ont guère de ces idées-là.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

10/18 — Gustave Le Rouge : Le prisonnier de la planète Mars




Gustave Le Rouge

Le prisonnier de la planète Mars

Préface de Francis Lacassin

n° 1077
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « L'aventure insensée »

320 pages (315 pages)
Dépôt légal : 3e trimestre 1976
Achevé d'imprimer 10 juin 1976

Couverture de Pierre Bernard.
Volume quintuple
ISBN 2.264-00062-7

Table des matières :

Préface : Gustave LE ROUGE Pionnier de la Science-Fiction ou « Jules Verne des midinettes » ? par Francis Lacassin [7-30]

Le prisonnier de la planète Mars [31-315]

Table des matières [317]


(Contribution du Tenancier)
Index

Gober

Gober, v. a. Avoir de la sympathie pour : C'est un bon compagnon, je le gobe.
Se gober, Être infatué de sa personne.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

jeudi 11 juin 2015

Où l'on perçoit le travail du libraire...

Pourquoi est-on libraire ? On ne répondra pas pour les autres, mais il est au moins un des aspects du métier — je parle pour les libraires d’occasions et bibliophiles — qui vous confirme et même vous relance dans la passion de son exercice : c’est la recherche bibliographique. Certes, l’acte serait décevant s’il se cantonnait à la recension bête des indications résidant dans les ouvrages de référence. Ces recherches vont plus loin, elle font appel à une somme de connaissance qui met en cause la compétence du chercheur. Hors l’aspect technique du livre, les connaissances spécifiques à l’histoire de la littérature en général, un mouvement particulier ou plus spécifiquement à la biographie d’un auteur, à part l’habileté et parfois l’opiniâtreté à retrouver des sources bibliographiques, c’est la capacité à articuler cette somme d’informations qui fait le métier et le plaisir du libraire. Cela se traduit par la présence — facultative, toutefois — de notices dans les catalogues de vente.
Ces notices surviennent souvent en conclusion du descriptif de l’ouvrage (voyez les billets précédents sur le sujet) et se rapportent tantôt aux attributs spécifiques de l’exemplaire (un envoi autographe, un ex-libris, un exemplaire nominatif, par exemple), tantôt aux circonstances de publication (rescapé du pilon ou de la censure, etc.)
Si les renseignement apposés jusque-là dans le catalogue avaient valeur d’objectivité et répondaient à quelques standard précis, la notice devient le champ d’expression de la personnalité du libraire. On a déjà évoqué antérieurement les notices abondantes, humoristiques et fort bien documentée de Pierre Saunier dont les catalogues se conservent autant pour les sources de renseignement autour de livres rares que pour le plaisir de leur relecture. D’autres professionnels sont plus succincts voire muets. Ce silence n’implique pas que le libraire n’a rien à dire. La raison se trouve sans doute dans le fait que nous avons affaire à un bon exemplaire — on veut entendre par là qu’il n’est pas si spécial que cela par rapport à un exemplaire qui aurait un envoi — et qu’il est inutile de gloser dessus, d’autant que, rappelons-le, la place est comptée dans la mise en page d’un catalogue. En fait, la nécessité du recours à une notice développée est à la mesure de l’importance de l’ouvrage : plus l’exemplaire sera précieux, prestigieux, exceptionnel, plus sa notice aura de l’importance. Entre l’absence complète de commentaire sur un ouvrage sur pur fil de Claudel et un notice de trois pages autour d’un rare exemplaire en circulation de l’éditeur Genonceaux (nous pensons ici au Tutu de la Princesse Sapho), c’est une question de rareté, d’exception et bien entendu de valeur (le pur fil vaudrait une vingtaine ou une trentaine d’euros, Le Tutu a été proposé à 8 000 F. à l’époque ce qui permettait que l’on s’étale un peu à son sujet).
Une notice est souvent explicative, elle articule — on se répète — divers éléments pour donner l’explication de la présence de l’ouvrage dans le catalogue et bien entendu celle de son prix. Parfois, la chose est implicite. L’ouvrage est recherché et il n’est pas besoin de s’en expliquer plus avant. Le prix confirme tacitement l’importance de celui-ci. En réalité, ces notices ne s’imposent bien souvent que dans le cadre d’exemplaires ayant une provenance ou bien dans des catalogues spécialisés. Il est en effet important de devoir expliquer la nature particulière de quelques ouvrages très rares dans un domaine qui touche peu de monde. On a sous les yeux un catalogue de Serge Plantureux datant de 1991 et consacré à la criminalistique et à la criminologie. Si Le miracle de la rose de Genet n’a nul besoin d’indication hormis le descriptif physique, Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray (circa 1840) mérite une notice de 500 signes environ. Le Genet — simple édition originale — a été proposé à 3 000 F. tandis que l’ouvrage sur Mettray en faisait 2 000 de plus… Il va de soi que la rareté fait la différence. Mais il y a un autre facteur que nous n’avons pas abordé, c’est l’importance de l’ouvrage dans un contexte donné. Ainsi dans la notice consacré à la colonie pénitentiaire du Mettray, nous apprenons que Michel Foucault a analysé le contenu de cet in-4° oblong dans Surveiller et punir. Nous arrivons donc à une autre dimension de l’ouvrage et une ample justification de son intérêt, fait qui nous aurait sans doute échappé s’il n’y avait eu cette notice.
Les notices comportent, outre des références intellectuelles indispensables, une indication qui peut paraître abstruse au néophyte… Des noms ainsi qu’un chiffre apparaissent parfois. ce sont en réalité des références bibliographiques couramment utilisées et que l’usage a consacré par la mention de leur auteur. Par exemple la mention BRUNET suivi d’un chiffre indique que le libraire à été farfouiller dans le Manuel du libraire et de l’amateur de livres de Jacques-Charles Brunet (1860) consacré principalement aux livres anciens, le chiffre indiquant la page où il a prélevé certaines information pour rédiger sa notice où bien  pour justifier, par exemple, le fait que nous avons affaire à une originale. On vous citera un de ces jours quelques bibliographies régulièrement citées.
Cet aspect particulier du catalogue, le plus passionnant à mon sens tant du point de vue du lecteur que du rédacteur, contribue à la réputation du libraire. C’est également un accessoire indispensable à la formation de l’amateur et du bibliophile. Nul besoin de rechercher fébrilement des catalogues pour s’en apercevoir puisque quelques libraires prestigieux mettent en ligne les invendus de leurs catalogues papier (on vous invite à chercher sur le site Livre-Rare-Book). Bien évidemment, on rencontre plus rarement des notices pour des livres mineurs, même en ligne, car ces recherches prennent parfois du temps et de l’énergie.
On a conscience d’avoir oublié pas mal de choses dans cette évocation. tant pis. Le Tenancier évoque, il ne balance pas.

Faire balai neuf

Faire balai neuf, v. Changer de conduite... quand celle qu'on a laisse à désirer. Il est rare que le balai neuf soit bien solide.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)